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un chemin de fer de domination, une ligne impériale. M. Isvolski, dont le discours du 18 avril nous parvient au moment où cet article était déjà, imprimé, le constate presque dans les mêmes termes que nous, et il ajoute : « On ne peut le juger que comme donnant à l’Autriche-Hongrie un avantage incontestable dans la péninsule des Balkans. »

On a tout dit sur le Drang nach Osten, sur la poussée allemande vers l’Est, et sur ses périls. Salonique est le point d’aboutissement naturel de cette marche du germanisme vers l’Orient dont les origines remontent aux premiers Habsbourg et à Charlemagne. On a même parfois exagéré le danger d’une descente des baïonnettes autrichiennes vers la mer Egée. Le Drang, c’est, pour l’Autriche, une sorte de programme lointain, idéal, qui, comme la descente russe vers Constantinople, pourrait bien être destiné à n’atteindre jamais son objectif. Cette intention générale et permanente de rejoindre directement Salonique par la Bosnie et Mitrovitza est certes le point de départ de la résolution du baron d’Æhrenthal de hâter la construction du chemin de fer, mais il est permis de se demander si d’autres raisons, de plus immédiates, de plus urgentes, ne l’ont pas décidé à une initiative dont les inconvéniens ne pouvaient lui échapper.

On n’a pas oublié le conflit économique et politique qui a mis aux prises le grand Empire austro-hongrois et le petit royaume de Serbie : cette lutte s’est terminée tout récemment par la signature d’un traité de commerce ; ce traité est très avantageux pour l’Autriche-Hongrie, mais le fait seul que son puissant voisin, qui s’était flatté de la faire capituler sans conditions, ait finalement consenti à signer un traité qui comporte des avantages réciproques, constitue un succès diplomatique pour la Serbie ; elle a affirmé sa personnalité, sa résolution de rester maîtresse de sa politique intérieure comme de ses relations extérieures. Le Cabinet de Vienne était accoutumé à trouver une Serbie plus malléable et moins fière.

Le conflit austro-serbe et la résistance du petit royaume ont eu dans tous les pays de langue serbe un profond retentissement ; le mouvement nationaliste en a reçu une impulsion nouvelle. Tout le groupe des Slaves du Sud, divisé par la religion, par l’histoire et par les traités, émietté entre l’Autriche, la Hongrie, la Croatie, la Serbie, le. Monténégro, la Bosnie, la Turquie, a frémi d’un même espoir. Sans doute, entre eux, les vieilles