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recourt à son habituelle méthode dilatoire, qu’adviendra-t-il ? Ici, toute hypothèse serait risquée. Rapprochons seulement quelques indices. La Bulgarie, depuis plus d’un an, s’est rapprochée de Vienne et de Berlin ; divers incidens récens, dont la coïncidence est impressionnante, semblent révéler son désir de plaire à l’Allemagne et à l’Autriche. Jamais les Bulgares n’ont été mieux préparés à la guerre, jamais ils n’ont proclamé, avec tant d’insistance et de plaintes, que la situation est devenue pour eux intolérable et que, si l’Europe n’intervient pas en faveur de la Macédoine, ils se trouveront acculés à jouer le tout pour le tout. Nous savons qu’il y a dans leurs plaintes, une part de vérité. L’acte résolu d’une puissance secondaire, mais bien armée, comme la Bulgarie, peut, au milieu de l’indécision générale, mettre le feu aux poudres. Retenons donc la possibilité d’une intervention bulgare précipitant les solutions.

La France, dans toutes les crises successives de la question d’Orient, est peut-être la seule dont le point de vue, les intérêts et la ligne de conduite n’aient pas varié. Nous sommes, comme nous l’avons toujours été, partisans de l’intégrité de l’Empire ottoman où nous avons à sauvegarder de si importans intérêts économiques et moraux ; nous nous attachons à ce principe, — M. Pichon l’affirmait encore dernièrement à la tribune de la Chambre, — comme au seul qui soit compatible avec le maintien de la paix générale et avec le développement de notre influence et de nos intérêts. Mais nous avons toujours demandé et souvent obtenu que la Porte accorde, aux populations qui vivent sous sa souveraineté, des conditions conformes à la justice et au droit qu’ont à la vie tous les peuples, quelles que soient leur race et leur religion. Souveraineté du Sultan et réformes nous ont toujours paru être les deux aspects d’une même politique. Le Liban, pour lequel la France a obtenu des conditions libérales, n’est ni la moins soumise, ni la moins prospère des provinces de l’Empire. La France attache aussi un très grand prix aux sympathies des nationalités en formation qui grandissent dans l’Orient de l’Europe. Parti de France, le principe des nationalités a d’abord fait son œuvre à nos portes, avec notre aide et à nos dépens ; aujourd’hui, comme une onde qui s’éloigne de plus en plus de son point de départ, c’est dans l’Europe orientale qu’il agit et, là, les modifications qu’il a déjà apportées et