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entre la Métropole et ses colonies. Etrange doctrine, nous semble-t-il aujourd’hui, mais qui était alors acceptée comme un des articles du credo libéral.

En somme, il n’est pas difficile de mettre un nom et une étiquette sur cette politique-là. Le jeune homme était, en 1874, un radical gladstonien.

Alors, comme aujourd’hui, il traduit ses idées dans une langue claire et directe. On sent en lui l’homme qui ne doute, ni ne rêve. On lui reprocherait, plutôt, de n’hésiter jamais. Ses critiques, — je ne veux pas dire ses ennemis, car je suppose qu’on n’en a pas encore à l’Université, — prétendent qu’il est un peu trop sûr de lui ; d’autres insinuent qu’il manque d’idéal. Mais déjà, il est reconnu comme un des orateurs de la vieille Université et, comme il se trouve à Woodstock au moment d’une élection parlementaire, on l’invite à prendre la parole et il s’empresse d’accepter. Le candidat contre lequel il s’évertue est un neveu du duc de Marlborough, qui ne répond pas, probablement parce qu’il ne peut pas parler. Or, ce muet, c’était lord Randolph Churchill, qui devait avoir son heure bien avant que sonnât celle de M. Asquith et qui, aujourd’hui, nous semble appartenir à une autre génération.

A Oxford, Asquith était le centre d’un petit groupe qu’on nommait et qui se laissait appeler, sans mauvaise humeur, d’un nom désagréable : la clique. Mais il faut se rappeler que les étrangers ne nous empruntent jamais un mot sans en dénaturer le sens. La « clique » de Balliol n’était pas dédaigneuse, ni exclusive. C’était une bonne petite société d’admiration mutuelle, dont M. Asquith recueillait les principaux hommages. Ses amis le destinaient déjà à être premier ministre. Que pensaient de lui ses maîtres ? Le master de Balliol, le docteur Jowett, l’un des grands scholars et une des sommités pédagogiques du XIXe siècle anglais, un jour qu’on le pressait de donner son opinion sur Asquith, répondit : He will get on, he is so direct ! Ce que je crois pouvoir traduire ainsi : « Il ira loin, car il va tout droit. »


III

Elu fellow de Balliol à la fin de sa carrière académique, il s’attarda un peu à Oxford, dirigeant, comme c’est l’usage, les