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en miniature qui s’appelle l’Union et qui observe, j’ai failli écrire qui singe toutes les pratiques et toute l’étiquette du grand parlement. A l’Union d’Oxford, en 1870, il se jouait des scènes dignes de la Convention à propos d’une motion pour introduire le droit de fumer dans le salon où l’on prenait le thé. On mettait en accusation, comme des ministres qui auraient trahi, les membres du bureau qui avaient cessé de plaire. Un jour, l’un des membres (j’emprunte ce détail aux souvenirs d’un étudiant du temps) se levait et sortait de la salle après avoir déclaré, avec des intonations solennellement dramatiques à la Chatham, qu’il n’en repasserait jamais le seuil et après avoir lancé, en regardant Asquith, le vers fameux :


Exoriare aliquis nostris ex ossibus ultor !


Puis il courait se poster au fond de la tribune, pour jouir de l’émotion causée par cette belle sortie. Ces parades sont assez innocentes. Pourquoi les jeunes gens ne joueraient-ils pas à la politique comme les petites filles jouent à la maman, à la pension ou au thé de cinq heures ? Le seul danger de ces sports parlementaires est de développer des ambitions que la vie ne réalisera pas et de caresser des amours-propres qu’elle froissera rudement. Pour un Milner ou un Asquith qui surgit de la foule, combien de ces héros de l’Union qui s’éteignent dans la médiocrité d’une sinécure ecclésiastique ou dans l’oisiveté du gentilhomme campagnard !

On nous a conservé, sinon le texte, du moins le sens des principaux discours prononcés par M. Asquith à l’Union d’Oxford, de 1870 à 1874. Il propose à l’assemblée d’approuver la neutralité observée par le gouvernement de M. Gladstone dans le conflit franco-allemand, « tout en sympathisant avec les souffrances et l’héroïque résistance de la France. »

Dans un autre discours, il se prononce, en bon non-conformiste, pour que le banc des évêques, à la Chambre des lords, soit retiré à ses occupans ecclésiastiques, et que les derniers vestiges de la pairie spirituelle disparaissent de la Constitution. Ensuite vient une motion pour l’établissement du service militaire universel ; une autre motion en faveur de la séparation de l’Église et de l’Etat. Dans deux orageuses discussions, on le voyait soutenir, à l’encontre de son ami, le futur lord Milner, qu’un divorce absolu et définitif est la seule solution des difficultés existantes