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tories d’une circonscription électorale qui nous appartenait. Donc, ils reprennent leur liberté d’action. Trouvera-t-on excessif d’en conclure que, de son côté, le parti libéral est autorisé à reprendre la sienne ? » Plus tard, dans une lettre à ses commettans, il expliqua son attitude et celle de ses amis. Il était, disait-il, toujours lier d’avoir aidé « le plus grand homme d’Etat du XIXe siècle anglais » à risquer cette tentative unique, ce généreux effort pour doter l’Irlande des libertés qu’elle réclamait. Mais cet effort avait été vain, cette tentative avait échoué. Pourquoi ? Parce que, comme le disait lord Rosebery, il s’agissait de liquider une association et que le principal associé, dont le consentement était indispensable, s’y refusait absolument. Qui pouvait se flatter de réussir là où M. Gladstone, avec son immense ascendant personnel, son éloquence sans rivale et son enthousiasme irrésistible, n’avait rien gagné ? Loin que les années, en s’écoulant, eussent diminué la répugnance des Anglais à accepter l’idée, elles semblaient. Tune après l’autre, ajouter à cette répugnance et l’exaspérer.

C’était d’une âme sereine que M. Asquith prenait congé de ces alliés qui avaient apporté aux libéraux un si onéreux concours. Et ce n’était pas le seul sacrifice que lui conseillait son étrange optimisme.

À cette heure où le parti libéral était tellement réduit en nombre et en influence que, pour trouver l’analogue d’une telle situation, il serait, peut-être, nécessaire de remonter jusqu’aux jours lointains de la Révolution française, M. Asquith exprimait l’opinion que son parti ne devrait accepter le pouvoir que le jour où il posséderait une majorité indépendante à la fois des Irlandais et des membres ouvriers. Mais, pour que le pays confiât, de nouveau, ses destinées au parti libéral, il fallait, surtout, lui persuader que les tories n’avaient pas le monopole du patriotisme et que les héritiers de Gladstone avaient, au même degré que leurs adversaires et plus encore, le sentiment des grandes destinées et des grands devoirs de l’Empire. L’heure était loin où le jeune orateur de l’Union d’Oxford acceptait comme une nécessité, saluait comme un bienfait la séparation de la Métropole et de ses colonies. Sur ce point comme sur la question du Home Rule, il avait appris à penser autrement que son ancien chef. La guerre de l’Afrique du Sud vint lui apporter l’occasion de prendre position nettement sur le terrain du