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libéralisme impérialiste. Il avait condamné énergiquement l’expédition Jameson parce qu’il prévoyait que le résultat en serait de fortifier, dans le Transvaal, le parti anti-anglais et de paralyser l’action de ceux qui penchaient à faire des concessions et visaient déjà, par des voies pacifiques, à l’unité de l’Afrique du Sud. Quand les Boers envoyèrent leur ultimatum, M. Asquith considéra la guerre comme inévitable et, tout en critiquant certains actes relatifs à la conduite des opérations, approuva le gouvernement sur tous les points importans, y compris l’annexion finale. Les libéraux impérialistes s’étaient ralliés autour de lui et, dans un grand banquet donné en son honneur peu de temps après la conclusion de la paix, il put développer son programme dans toute son ampleur, montrer qu’il se tenait aussi loin du Jingo que du little Englander, tant raillé par M. Chamberlain. Il commença par une définition de l’impérialisme :

« Le mot d’Empire, dit-il, prend un sens différent, suivant qu’il sort de différentes bouches et entre dans différentes oreilles. Pour nous, libéraux, que veut-il dire ? Signifie-t-il une entreprise pour l’exploration et l’exploitation des races du globe ? Signifie-t-il une société commerciale fondée sur un certain calcul de profits et de pertes ? Signifie-t-il, simplement, une assurance mutuelle, destinée à protéger ceux qui en font partie contre toute attaque du dehors ? Pour moi, je crois fermement qu’en dépit de ses imperfections et de ses lacunes, avec ses points faibles et avec ses points noirs, c’est la plus vaste, la plus féconde expérience qui ait encore été tentée dans le monde pour faire vivre en commun des sociétés libres, d’origine et de nationalité diverse. » Bien loin d’abandonner aux tories le monopole de ce mot magique, si puissant sur les foules, l’orateur le revendiquait comme le patrimoine du parti libéral. Ces sociétés fondées au-delà des mers, de quel esprit étaient-elles animées ? Dans leurs expériences sociales, si hardies et si variées, de qui procédaient-elles, et d’où recevaient-elles leur inspiration ? Est-ce du parti que son passé historique identifie avec les traditions aristocratiques et les castes privilégiées ? Ou bien de celui dont la mission et l’honneur sont de réaliser, pour le bien du plus grand nombre, les conquêtes de la démocratie moderne ? N’est-ce pas avec ce parti surtout et seulement avec lui que pourront se maintenir et se resserrer les relations intimes qui doivent unir les colonies à la mère patrie ?