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Il faut donc retirer l’enfant d’un milieu dépravé, pour le soumettre à des influences salutaires. Est-il déjà semblable à un arbuste tordu ? Il faut le redresser, au moyen d’un tuteur. Est-il déjà gâté jusqu’aux racines, il faut le régénérer, si l’on ne veut pas qu’il porte des fruits amers ou vénéneux pour la société.

L’étude comparative des lois et des institutions protectrices de l’enfance en France et à l’étranger exigerait un volume ; nous nous bornerons ici à exposer la part de la France et à la rapprocher des œuvres et des lois, existant dans des pays qui offrent des affinités avec nous et où j’ai eu l’occasion de les étudier sur place : les États-Unis, la Néerlande et les pays Scandinaves.

Laissant de côté ce qui concerne la protection matérielle et médicale, en d’autres termes l’assistance physique des petits et la répression de l’enfance délinquante, nous nous occuperons spécialement des moyens préventifs et éducatifs, de ce qu’on pourrait appeler l’orthopédie morale des enfans. Nous étudierons d’abord la France.


I. — LOIS FRANÇAISES

Depuis 1850 jusqu’à 1904, six lois se sont proposé cet objet spécial, sans parler de la loi Roussel (23 décembre 1874), qui visait les enfans en nourrice et en garde. Malgré la diversité des régimes politiques, un même esprit anime le législateur, la pitié et non pas la colère, la prévoyance et la préservation plutôt que la peine infligée sans discernement. L’idée directrice est de séparer les enfans vicieux des adultes. Ces sentimens ont été exprimés, en excellens termes, par M. Corne, rapporteur du projet de loi sur l’Éducation et le patronage des jeunes détenus (15 août 1850). « Venir en aide, écrivait-il en décembre 1849, à de pauvres enfans délaissés, et entraînés à ces premiers écarts, les préparer à rentrer dans la vie, débarrassés des mauvaises impressions et des vices qui ont failli les perdre ; rendre à la société d’honnêtes et paisibles ouvriers d’agriculture, au lieu de jeter dans les carrefours de nos grandes villes de jeunes êtres pervertis et portés à toute espèce de guerre contre les lois et la société, cela rentre essentiellement dans le cercle de l’assistance et de la prévoyance publiques. A nos yeux, en effet, l’éducation morale, les idées de tutelle, patronage, régénération, l’emportent de beaucoup sur l’idée et