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temps que j’en ai fait partie. Je n’ai pas le moindre doute relativement à sa ferme intention de continuer à marcher dans la voie où il est entré par le décret du 24 novembre et par les mesures qui l’ont suivi et qui ont eu pour objet le rétablissement en France du gouvernement parlementaire. »

Quand je revis l’Empereur le lendemain, il me dit tranquillement : « M. Buffet m’a donné sa démission, je l’ai acceptée. Vous me restez ; cela me suffit. »


V

Personne de nous ne supposait que Daru, le promoteur principal de ce plébiscite qui produisait tant de fracas, songerait à imiter Buffet. Mais les orléanistes, les légitimistes, acharnés à la ruine de l’Empire, au milieu desquels il vivait, lui en firent un devoir et le menacèrent de ne plus mettre le pied dans son salon s’il ne s’exécutait. Le pauvre homme succomba. A la suite de quelques pourparlers inutiles avec l’Empereur, sur un ultimatum peu différent de celui de Buffet, il envoya sa démission dans la soirée du 11 avril. Quelques années après, revenant avec moi sur ces divers incidens, il lui échappa de me dire : « Je n’ai pas été, depuis, sans avoir des doutes sur ma résolution. » Aucune déloyauté n’entra certainement dans son intention, mais parfois la faiblesse a un air de déloyauté. Talhouët fut de cet avis. Malgré la pression mondaine très vive qu’on exerça sur lui aussi, il vint me dire qu’il resterait avec nous jusqu’au plébiscite, et même après, s’il était mauvais ; mais s’il était bon, il se retirerait. C’était agir à la fois en ami et en gentilhomme.

Le lendemain 12 avril, nous arriva un dédommagement aux ennuis de cette crise pénible. Un collège électoral était vacant dans le Rhône ; Chevandier avait recommandé notre système d’abstention dans une excellente circulaire, et ses ordres avaient été scrupuleusement suivis par l’intelligent préfet Sencier. Le seul candidat officiel fut celui de la révolution, Fonvielle, l’accusateur du prince Pierre Bonaparte. Sa candidature fut furieusement soutenue par des feuilles d’opposition, propagée par des agens très actifs. Le Pays en prophétisait et en souhaitait le succès, en déclarant qu’il serait dû à la neutralité du gouvernement. A la première heure de la journée du 12, je reçus de