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prenait l’initiative, vous devriez vous borner à décliner toute réponse, l’engageant, s’il persistait, à s’adresser directement au gouvernement de l’Empereur (31 janvier). »

Voilà donc notre ambassadeur condamné à rester dans le rang et à ne rien négocier. Il en était désolé. Son attaché Verdière écrivait à un employé du télégraphe des Tuileries dans la pensée que ce serait communiqué à l’Empereur : « Nous ne nous servons pas souvent du chiffre que nous avons avec Sa Majesté, et, entre nous, je puis dire que nous sommes un peu attristés de voir que, de ce côté, on ne nous donne aucun signe de vie. Je comprends assez qu’il s’applique à ne pas blesser les susceptibilités de ses nouveaux ministres en correspondant lui-même avec un ambassadeur qui a contre lui cette condition particulière d’être un vieux serviteur de son prince. Mais s’il ne veut point parler politique extérieure, ne saurait-il donner quelquefois un simple souvenir d’amitié ? Nous l’avons dit souvent, nous étions très malades. Ayant en face de nous les démagogues, nous n’avions pas le soutien des classes moyennes. L’arrivée au ministère des hommes dits des anciens partis nous a apporté le salut. Il faut leur en savoir gré, et prendre notre parti de payer très cher l’appui qu’ils nous donnent. Je suis moins satisfait d’eux à l’extérieur. La politique du règne de Louis-Philippe se reproduit et s’accentue. Nous en faisons l’expérience. Chaque dépêche du comte Daru nous lie bras et jambes et nous sommes exposés à ne pouvoir tirer aucun profit de l’excellente situation acquise ici parle général. Toute la politique extérieure se résume dans le désir extrême de ne laisser se produire aucune difficulté. L’intention est louable, mais c’est souvent en exagérant la réserve que l’on laisse justement aux difficultés la possibilité de se produire. Si Bismarck savait (et il le saura) que nous ne voulons rien dire ni rien faire, qui donc et quoi donc le gênerait ? Quand nous avons été envoyés ici, c’était pour rétablir des relations compromises depuis les affaires de Pologne. Ceci est fait. C’était aussi pour produire habilement un petit résultat de nature à satisfaire l’opinion et l’amour-propre national. L’affaire a été bien entamée et était en bonne voie. Alors est venu le nouveau ministère, qui a donné la consigne que voici : « Ne faites rien, ne dites rien. » On a obéi naturellement, mais l’affaire commencée a continué de marcher toute seule. Les résultats s’offrent d’eux-mêmes ; on nous en fait part ; nous les communiquons à