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de faire de Barras, — l’homme de Fructidor, — un Monk. Quel Monk, ce « féal et amé vicomte de Barras ! » L’intrigue avec lui fut constante, mais si louche ! Quel sens des réalités vraiment médiocre montre la cour de Blankenberg ! À un instant, on va jusqu’à penser que ce Directeur aura le tact de ne point rester en France, la Restauration une fois assurée par ses soins, et peut-être acceptera « le gouvernement de l’île Bourbon ; » Louis XVIII, qui « rebondissait » à chaque déception, songeait à mille combinaisons. Ce disciple de Voltaire entendait maintenant organiser des missions religieuses en France. Sans ambages, il écrivait à Artois : « Tu penses bien que je veux tirer des missionnaires religieux une utilité politique. »

Ces combinaisons amusaient son oisiveté ; moins cependant que le mariage de sa nièce Marie-Thérèse. La fille de Louis XVI avait été rendue par le gouvernement républicain à la liberté. Etant aussi la fille de Marie-Antoinette, elle avait été remise aux mains de l’empereur d’Autriche. Louis XVIII entendait la reprendre, la rattacher à la « maison, » et, pour ce, la marier au duc d’Angoulême. À Vienne, on la voulait unir à l’archiduc Charles. Louis s’était insurgé là contre, et il y a dans sa protestation des mots qui, tout en prêtant à sourire, inspirent une fois encore quelque admiration pour ce bel orgueil que rien n’abat. Eh quoi ! une fille de France épouserait « un prince sans état, sans espérances, » un cadet d’Autriche. Plus tard, il repoussera pour le duc de Berry l’alliance d’une Saxe-Weimar protestante : « Ce serait le premier exemple dans notre famille, et plus on est dans le malheur, moins on doit s’abaisser. »

S’il ne s’abaissait pas, on l’abaissait : une fois de plus on lui retirait son toit. Pour plaire au Directoire, le roi de Prusse enjoignait à Brunswick de chasser ce malheureux prétendant. Le Tsar, alors au paroxysme de sa haine contre la dévolution, le recueillit à Mitau, en Courlande. Louis XVIII y serait traité en roi pour la première fois : liste civile, cour, égards, l’illusion rendue possible. Mais quel revers ! Cette hospitalité offerte par ce Paul Ier, tyran sans délicatesse ni équilibre, était presque une captivité : c’était tout juste si les lettres du Roi ne lui étaient pas remises ouvertes. Et quelle humiliation au fond, pour un Bourbon, de traiter avec ce brutal Romanof sur un ton d’humilité opportune !

Du 13 mars 1797 au 4 janvier 1801, le Roi mena cependant