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acquittera dans de bonnes conditions que si on lui attribue la plénitude d’une autorité qui est à la fois civile et militaire. L’autorité, dans ces derniers temps, avait été partagée sur la frontière entre le général Lyautey et un commissaire civil : des troupes avaient même été mises à la disposition de ce dernier, organisation absurde dont les conséquences n’ont pas tardé à se faire sentir. On revient aujourd’hui de la dualité à l’unité : mieux vaut tard que jamais. Le général Lyautey, nommé haut commissaire, aura à s’entendre avec un commissaire chérifien, car il ne s’agit nullement de porter atteinte à l’intégrité du territoire marocain, non plus qu’à la souveraineté du Sultan. Tous les principes qui ont été posés à la conférence d’Algésiras seront respectés. Mais, comme nous le rappelions il y a quinze jours, la conférence d’Algésiras n’a porté aucune atteinte aux traités ou aux arrangemens qui l’ont précédée, et notamment à ceux de 1901 et de 1902. L’œuvre qui est confiée au général Lyautey est délicate, mais elle n’est au-dessus ni de sa capacité, ni de sa souplesse, ni de son expérience : il est permis d’en attendre d’heureux résultats. La meilleure manière pour nous, puisque nous ne voulons pas conquérir le Maroc, d’y exercer notre influence, et de la faire apprécier, est de donner aux Marocains, d’accord ou plutôt en collaboration avec eux, quelques leçons de choses dont ils seront les premiers à tirer profit. Nous le pouvons certainement sur la frontière : il suffit de le vouloir.

Mais que veut le gouvernement, ou plutôt, puisqu’il l’a dit bien souvent déjà, comment se propose-t-il de l’exécuter ? On le lui demandera sans doute à la rentrée des Chambres, non pas que, depuis leur séparation, il se soit produit au Maroc des événemens bien nouveaux, mais parce que la situation, à mesure qu’elle se prolonge sans qu’on en aperçoive l’issue, laisse l’opinion de plus en plus anxieuse, et parce qu’on peut espérer que le gouvernement a mis à profit les vacances pour arrêter enfin ses idées sur le plan à remplir. On a donné avec quelque éclat une mission au général Lyautey et à M. Regnault, qui ont été chargés de faire une enquête sur place dans la Chaouia. Quels ont été les résultats de cette mission et de cette enquête ? Ont-ils été décisifs et le gouvernement, après tant d’hésitations et de tâtonnemens, sait-il enfin ce qu’il doit et ce qu’il veut faire ? Ce n’est pas être bien curieux que de désirer le savoir.


L’empereur François-Joseph est monté sur le trône, le 2 décembre 1848, dans les circonstances les plus critiques, et depuis