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est d’avoir une communication presque directe avec l’Italie qui est notre amie, et qui, je l’espère, l’est pour longtemps. » Le crédit de dix millions fut voté à une grande majorité.

Mais tous ces discours n’étaient que de petites provocations en quelque sorte préparatoires. C’est à la grosse provocation de fait qu’il consacra sa vigoureuse activité.


III

Versen, qui avait pris goût à l’aventure espagnole, ne s’était pas consolé du dédain avec lequel le roi de Prusse avait reçu son rapport et rompu les pourparlers avec Prim. Il avait essayé de reprendre l’affaire en sous-œuvre auprès du Kronprinz, sous les ordres duquel il avait servi, et avait si bien travaillé, qu’il l’avait gagné à sa cause. Il ne doutait pas que Bismarck, fort de ce nouvel assentiment, ne reprît son complot espagnol. Dès qu’il le sut de retour à Berlin, il courut au palais du Reichstag et lui donna connaissance de son rapport et du refus du Roi d’en tenir compte. Bismarck, très mécontent de ce point d’arrêt, dit que l’affaire devait être immédiatement reprise « et qu’elle constituait pour l’Allemagne un objectif dont la réalisation était inconditionnellement désirable et digne d’être recherchée[1]. » Avant tout, il fallait remettre Prim en confiance et lui donner le mot d’ordre. A cet effet, Lothar Bûcher fut de nouveau dépêché vers lui, porteur d’une lettre autographe de Bismarck[2]. Ce n’était pas la première échangée entre eux, et Bismarck n’avait pas attendu jusque-là pour répondre à celles qui lui avaient été apportées en février par Salazar ; mais après son départ pour Varzin, une longue interruption avait eu lieu, et Prim avait pu croire la conversation terminée. Bismarck s’excusait de cette interruption : « Prim aurait tort de considérer la candidature Hohenzollern comme abandonnée ; il ne tenait qu’à lui de la reprendre. L’essentiel était de ne jamais faire intervenir le ministre des Affaires étrangères, ni le chancelier de l’Empire, ni lui-même Bismarck. S’il avait des communications à adresser, il n’avait qu’à les faire parvenir par Salazar ou par le docteur. »

  1. Ottokar Lorenz, p. 247. — Charles de Roumanie, 21 mai/2 juin.
  2. L’existence de cette lettre est affirmée par un récit de Lothar Bücher à Busch : parlant des souvenirs de Bismarck, Bûcher dit à Busch : « Il a nié sa lettre à Prim jusqu’à ce que je lui à le rappelé que moi-même je l’avais remise dans les mains du maréchal. »