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Saint-Gothard, il prononça des paroles également significatives dont l’intention ne pouvait pas être douteuse.

Une convention avait été conclue à Berne entre l’Italie et la Suisse, en vue de l’exécution d’un chemin de fer à travers le Saint-Gothard. L’Etat de Bade y avait adhéré par la promesse d’une subvention de trois millions ; Bismarck demanda au parlement du Nord d’accorder une subvention de dix millions. Des intérêts purement commerciaux n’eussent pas motivé suffisamment cette intervention sans exemple d’une nation étrangère dans la construction d’un chemin de fer établi par deux nations voisines. Aussi est-ce par un intérêt politique, c’est-à-dire par une idée hostile à la France, qu’on motiva la demande de crédit : « Il s’agit, dit Sybel, non d’un chemin de fer ordinaire, mais d’une entreprise d’une signification internationale et de la plus haute portée... Il s’agit de fournir une nouvelle preuve du changement de puissance que l’Allemagne du Nord doit aux événemens de 1866... Tendons au peuple italien, pour lequel nous sommes animés de tant de sympathies historiques, notre main de fer sur les montagnes de la Suisse libre et neutre. »

Le ministre d’Etat, Delbrück, reconnut que le chemin de fer avait surtout une importance politique, et le lendemain, 25 mai, au milieu de réticences mystérieuses plus provocantes que ne l’eussent été de franches déclarations, Bismarck le redit mieux encore : « Des nécessités politiques exigent la création d’une route directe reliant l’Allemagne à l’Italie. Il a fallu de graves circonstances, des circonstances mûrement pesées pour amener le gouvernement à la résolution inaccoutumée, je pourrais même dire sans précédens, de proposer à la Confédération et à des gouvernemens voisins une demande de fonds considérables en faveur d’une ligne de chemin de fer située non seulement en dehors de la Confédération du Nord, mais en dehors même de l’Allemagne. Les considérations qui ont décidé le gouvernement à cette démarche inusitée sont, je le crois, tellement évidentes, elles ont été si bien examinées, elles sont en partie de nature tellement délicate, que je vous prie de me dispenser de vous les exposer encore publiquement. (Très bien ! très bien !) On ne peut penser à mettre en comparaison les avantages que le Saint-Gothard, présente sur le Splügen ou le Splügen sur le Saint-Gothard quand on songe aux intérêts que l’Allemagne du Nord a dans l’affaire du Saint-Gothard... Pour vous, le principal