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l’embarras dans lequel se trouve placé le maréchal Prim, quand il sera bien convaincu qu’il n’a rien à espérer de l’Italie, il ne me semble pas impossible qu’il puisse se décider, en désespoir de cause, à revenir au prince de Hohenzollern, dont il n’avait probablement une première fois accepte la candidature que du bout des lèvres. Cependant, ce qui me rassure un peu, c’est qu’il ne saurait méconnaître, en même temps que ses difficultés, les risques de cette combinaison. Il a prouvé, en effet, qu’il appréciait à leur valeur les bons rapports entre l’Espagne et la France, et il doit bien voir que, le cas échéant, l’opposition de notre part serait d’autant plus à craindre que, s’adressant plutôt à la Prusse, non seulement elle ne disposerait pas, en le blessant, le sentiment national de l’Espagne à se tourner contre nous, mais que nous flatterions même en quelque sorte ses préventions contre toute candidature étrangère (23 juin). »

Mercier entretint Prim lui-même, qui ne put contenir un vif mouvement de contrariété, car il craignit d’avoir été pénétré. Il nia l’intrigue, affirma qu’il ne pensait plus au Hohenzollern et, pour endormir tout à fait la vigilance de l’Empereur, il lui fit annoncer de nouveau des confidences complètes. En se rendant à Vichy en juillet, il verrait Napoléon III et lui démontrerait la nécessité absolue de sortir de sa réserve ; lui seul pourrait le tirer d’affaire. Seulement il voulait être sûr de voir l’Empereur seul, sans Olozaga. L’Empereur fit répondre qu’il serait enchanté de s’entretenir avec Prim et qu’aussitôt ce dernier arrivé à Paris, il l’inviterait à déjeuner sans Olozaga.

Mercier fut persuadé que, même si la candidature n’était pas irrévocablement abandonnée, il n’y aurait rien de nouveau avant l’entrevue avec l’Empereur. Rassuré, il rassura Gramont. Dans ses lettres confidentielles il confirme et complète les renseignemens de ses dépêches officielles. Le 24 juin, il écrivait : « Je profile d’une occasion sûre pour vous faire parvenir ma réponse à votre dépêche relative au projet prussien. J’ai des raisons très fortes pour croire que ce projet a existé, et craindre qu’il ne puisse renaître après avoir été abandonné, mais que, pour le moment, il me paraît suspendu. Cependant, il y a anguille sous roche, c’est clair, et nous ne saurions trop nous mettre sur nos gardes. Comme je vous le dis dans ma dépêche, notre opposition aura, du reste, d’autant plus de poids dans les calculs qu’elle sera directement à l’adresse de la Prusse et quelle n’aura