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plus divergentes que les diagnostics, et que la raillerie peut facilement s’exercer sur certaines prescriptions médicales. Mais, avant de condamner les médecins, ce qui est facile, il faut se rendre compte des choses, ce qui est un peu plus difficile.

Lorsqu’un malade va consulter un médecin, ou l’appelle à son chevet, c’est pour avoir un conseil. Ce n’est pas pour satisfaire la curiosité assez vaine de connaître le nom de sa maladie et la classification qu’elle occupe dans la liste des fléaux qui sévissent sur notre pauvre humanité. Le malade espère être soulagé, ou guéri. Il demande un traitement. Il veut que son mal ne s’aggrave pas, ou que ses douleurs soient apaisées, ou que la guérison soit rapide et complète. Par conséquent, le médecin est dans l’obligation morale d’indiquer un traitement à son client, voire un traitement efficace. L’exigence du client est absolue à cet égard. Il demande un traitement. Si le médecin s’en va, et dit, comme il le pense peut-être : « Attendez que votre maladie guérisse ; il n’y a rien à faire qu’à attendre, » le malade est inquiet et mécontent. Il s’imagine que son médecin ne sait rien, et il s’empresse d’aller demander conseil à un autre. Or nul médecin ne consentira, de gaieté de cœur, à sacrifier ainsi sa réputation et à perdre ses cliens. Même lorsqu’il croira que l’ordonnance signée par lui n’avancera pas d’un jour la terminaison de la maladie, il rédigera une ordonnance. Et après tout, peut-être aura-t-il raison. Ces médicamens inoffensifs qu’il recommande vont rendre quelque confiance à son malade. C’est déjà beaucoup que d’avoir apporté une espérance, même quand cette espérance n’est qu’une illusion ; car cette illusion est un bienfait.

D’ailleurs, même si l’efficacité du traitement n’est pas certaine, pourquoi s’abstenir d’un traitement douteux, s’il est sans inconvénient ? Melius anceps remedium quam nullum, dit un vieil adage médical, et le vieil adage n’a pas tort. La thérapeutique serait bien simplifiée s’il fallait ne prescrire que ce qui est d’une utilité immédiate et certaine ; mais elle se priverait par là même de quelques-unes de ses ressources morales les plus efficaces. Je n’oserais pas, pour mon compte, reprocher à un médecin de donner quelquefois des remèdes peu utiles, lorsqu’ils sont d’ailleurs inoffensifs.

Si l’on compare la médecine aux sciences mathématiques ou même aux sciences physico-chimiques, on n’a pas de peine à