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A tout prendre, au point de vue professionnel exclusif, c’est un rude et dur métier, assez mal rémunéré. Et pourtant, combien le public est exigeant ! A toute heure du jour ou de la nuit, le médecin doit accourir et trouver une solution immédiate aux problèmes les plus difficiles. On ne lui permet ni le retard, ni le doute. On interprète ses moindres paroles avec une sévérité extrême, en comparant sa conduite avec celle de tel ou tel autre de ses confrères. Plus tard, quand le moment des honoraires arrive, on lui conteste, avec mauvaise grâce, le prix légitime de son savoir et de sa peine. Le public comprend mal que le médecin exerce un métier qui doit être rémunéré, qu’il a droit à des honoraires déterminés, autant que le peintre dont on achète le tableau, le romancier dont on lit le livre, le pharmacien chez qui on va prendre des médicamens. S’il n’a pas débité une marchandise pondérable, il a donné son temps, son intelligence, son activité : or tout cela mérite salaire.

Ce qui est aussi, pour le public, difficile à admettre, c’est que la valeur des honoraires ne soit pas fixe, immuable, comme celle d’un billet de chemin de fer, ou d’un sac de farine. Il est juste, il est équitable, que, dans une certaine mesure, les honoraires du médecin soient en rapport avec la fortune du client. Pour que le médecin puisse donner des soins presque gratuits à un malade nécessiteux, il convient qu’il fasse payer plus cher un client riche. C’est une sorte de virement bien légitime ; mais le riche client a peine à l’accepter.

Il y a des abus : il serait surprenant qu’il n’y en eût pas. Comment, sur 20 000 médecins, ne s’en trouverait-il pas quelques-uns qui abusent de l’autorité fournie par leur diplôme pour pressurer le client, multiplier les visites inutiles et se faire une publicité tapageuse ? Il y a des médecins charlatans. Il y a des médecins cupides. Mais, si la profession médicale ne contient pas plus de vertus que les autres, elle n’en contient pas moins. De même que, dans une armée, il n’y a pas de différence de moralité entre les artilleurs, les cavaliers, et les fantassins, de même, dans une société, la différence de moralité n’est pas très grande entre les divers groupemens d’hommes, ingénieurs, avocats, commerçans, industriels et médecins.

Si l’on fait appel à son dévouement, le médecin est toujours prêt. Il est sans exemple qu’en temps d’épidémie un médecin ait abandonné son poste.