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esprit seul peut assurer l’établissement permanent d’un gouvernement constitutionnel.


Le plus important des discours du comte Okuma est celui qu’il prononça lorsque la présidence de l’Université Waseda lui fut conférée. Il y développa ses vues devant une assistance de cinq mille auditeurs appartenant, pour la majeure partie, aux classes dirigeantes. Après avoir parlé des étudians, — dont le nombre dépasse 8 000, — qui reçoivent les leçons de l’Institut de Waseda, il rappela qu’il y a, chaque année, quatre ou cinq cents diplômés et licenciés, et il avait sur ses listes les noms de plus de 5 000 personnages qui y avaient reçu leurs grades ; après avoir énuméré les bienfaits incalculables de l’éducation, il déclara son intention de remplir au mieux ses nouvelles charges comme directeur de l’établissement auquel il avait consacré la majeure partie de sa vie. Il est à remarquer que l’Université Waseda doit son existence aux efforts et à la générosité du comte Okuma.


Le Japon, dit-il en terminant, a conquis une renommée guerrière, mais il a beaucoup à faire pour tout ce qui concerne la religion, la science, et les mœurs. Jusqu’à ce que son succès soit consacré dans ces trois directions, par les applaudissemens du monde, sa réputation ne sera qu’une bulle de savon.


Ces paroles firent une profonde impression, car elles résumaient les conseils donnés par le comte Okuma pendant de longues années et souvent exprimés, en public, sans cependant avoir été toujours bien compris, dans un temps où l’opinion générale était convaincue qu’on avait assez fait pour le peuple en lui assurant le bien-être matériel et une instruction pratique.

Si le professeur Fukuzawa fut le premier pédagogue du Japon moderne, le comte Okuma a été son meilleur conseiller. Ils n’ont pas toujours travaillé dans le même champ d’action, mais ils se sont rencontrés sur plus d’un point. Le professeur Fukuzawa commença, quand personne n’y songeait encore, à introduire les méthodes d’éducation européenne. Il fit enseigner le hollandais d’abord, puis, après la signature des premiers traités commerciaux avec l’Amérique et avec l’Angleterre, il remplaça le hollandais par l’anglais. Il prévit dès ce moment la prépondérance anglo-saxonne et les rapports politiques et commerciaux de son pays avec l’Amérique et la Grande-Bretagne.