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pour répondre à ce besoin, et tous les postes importans de l’empire furent confiés à des élèves de la Keio-Gijiku. Quand une légère réaction modifia la politique du gouvernement, ceux-ci quittèrent leurs situations officielles pour porter ailleurs leur activité ; — ils se firent commerçans, hommes d’affaires, auteurs, journalistes, et, dans leurs diverses occupations, appliquèrent une méthode rajeunie et infusèrent une vie nouvelle.

Tout ce qu’on dira des autres établissemens publics ou privés, créés depuis, et qui ont rendu de si grands services au pays en préparant une jeunesse éclairée, n’effacera pas ce que le professeur Fukuzawa et ses disciples ont fait pour élargir l’horizon intellectuel du Japon et pour accomplir cette révolution silencieuse, mais complète, dans toutes les manifestations de la vie nationale, et qui est leur œuvre. Partout où notre examen se porte aujourd’hui, dans tous les champs de l’activité humaine, nous retrouvons, parmi l’élite, les disciples de Fukuzawa.


V

Ce qui fit l’insuffisance de l’institution, ce fut en grande partie l’esprit de radicalisme qui la pénétrait ; le point faible de son fondateur fut son ardeur à détruire tout ce qui se rapportait à la tradition. Voyant toute chose du point de vue matérialiste, il s’imagina que les connaissances pratiques étaient suffisantes pour guider l’homme dans la vie et que les avantages matériels étaient capables d’assurer le bonheur de ses disciples et la gloire de son pays.


Le mérite de son œuvre en ce temps-là, comme a dit le comte Okuma en prononçant l’éloge de Fukuzawa, était sa rage de tout détruire. Il appliqua toute son énergie à l’étude de la question féministe aussi bien qu’aux problèmes économiques et politiques. Il ne peut être appelé un homme de génie, mais ses idées firent mûrir parmi nous le sens pratique inhérent aux Anglo-Saxons. A l’avènement de la Meiji impériale, il concentra son énergie à combattre les idées conservatrices des vieilles écoles, résolu à les déraciner et à les remplacer par des idées nouvelles. Son séjour en Amérique fut un moment décisif dans sa vie.


Un demi-siècle s’est écoulé, une génération entière a passé, et la génération nouvelle commence à s’apercevoir qu’il n’est pas d’éducation parfaite sans bases morales ; à côté des sciences, il faut des principes. Une forte réaction a donc commencé