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pas voir l’affaire de son mariage se conclure ; qu’il allait lui dire d’écrire à la princesse. Voyant cela, je me suis tue et n’ai pas soufflé mot de l’autre affaire. »

« Hier, la lettre à la princesse de Bavière a été écrite. Si cette folle envie de se marier n’avait pas pris au fils du Roi, j’aurais eu bon espoir. Cela seul nous gâte tout et, comme vous voyez, le mariage bavarois est déjà si avancé, que rien sans doute ne pourra plus le rompre[1]. « 

Madame en fut pour sa réconciliation avec Louvois ; le Grand Dauphin épousa Marie-Anne de Bavière le 7 mars 1680. Dans l’intervalle, la tante Sophie avait reçu une belle fiche de consolation par la mort de son beau-frère Jean-Frédéric[2], duc régnant de Hanovre. Il ne laissait point d’enfant mâle. Ernest-Auguste lui succéda, et ni lui, ni la duchesse Sophie, quoique unis au défunt par « une fort tendre amitié[3], » ne mirent de sourdine à leur joie. Le récit de leur prise de possession, en présence du cercueil, est d’une jovialité déconcertante : « (15 mars 1680.) Nous voici arrivés dans notre palais princier, où il fume si fort dans toutes les chambres, que nous pleurons le défunt sans aucune peine et avec beaucoup d’incommodité… Je voudrais qu’il sût toutes les cérémonies que l’on va faire pour l’enterrer, cela lui servirait de Paradis… »

Tandis que ceux-là se réjouissaient sans vergogne de leurs belles étrennes, Charles-Louis, poussé à bout par les « inhumanités » françaises, sommait une dernière fois Liselotte de parler au Roi, mal instruit peut-être de l’insolence et de toutes les exigences de ses agens. Madame fit longtemps la sourde oreille : « il sera mardi prochain six semaines, écrivait son père à la duchesse Sophie, le 17 janvier 1680, que je n’ai point de réponse de Liselotte. » Les six semaines devinrent six mois. Enfin, le 29 juillet, la duchesse Sophie écrit à son frère : « Liselotte me mande[4] avoir eu un grand dialogue avec [le grand Dogue] sur votre sujet, dont elle vous a mandé le détail à ce qu’elle dit. Je crois qu’il n’a pas été de grande efficacité pour vous, puisque vous n’en mandez rien et que vos lettres à

  1. Traduction Jæglé. Il y avait eu des difficultés sur un point secondaire, et le Roi avait cédé.
  2. Le 28 décembre 1679., Les obsèques n’eurent lieu qu’au mois de mars suivant.
  3. Lettre du 11 janvier 1680, de la duchesse Sophie à son frère.
  4. La lettre de Liselotte ne s’est pas retrouvée.