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la diète de Ratisbonne montrent assez le tort qu’on vous fait et le besoin que vous avez d’être promptement secouru. » De Charles-Louis : « (31 juillet 1680.) Le jeune Botzheim, jadis page de Liselotte, me doit apporter le dialogue entre elle et Louis le Grand, mais il n’est (pas],., arrivé. » Encore une lettre de la duchesse, encore un billet de six lignes, dicté par l’Electeur, et la toile se lève brusquement sur le prologue du drame dont Madame ne s’est jamais remise. La scène est en Allemagne, dans un des paysages des environs de Heidelberg[1].

Depuis la mort de Louise de Degenfeld, Charles-Louis faisait l’été de longs séjours à Friederichsburg, auprès de la Suissesse Mme Berau. Il emmenait dans ces expéditions ses trois filles les raugraves, son aumônier et toute sa cour, en homme qui n’a rien à cacher, et qui suit à la face du soleil les voies de la bonne nature. Le 26 août 1680, il eut à Friederichsburg trois légères attaques qui lui ôtèrent momentanément l’usage de la parole. Il s’en remit très vite et annonça le lendemain soir, contre l’avis des médecins, qu’on partirait le 28 de bon matin pour aller passer quelques jours à Heidelberg.

Le 28, on le crut tout à fait bien parce qu’il avait recommencé, dit une relation, à pester contre ses gens, qui ne l’habillaient jamais assez vite à son gré. À sept heures du matin, tout le monde était en route[2]. À neuf, l’Electeur se sentit vaincu. Il se fit porter dans un jardin, où un grand arbre enveloppa son lit de repos d’ombre et de paix, et il jouit une dernière fois de la douceur du monde. On l’entendit murmurer : « Comme ça sent bon, ici ! » et, presque aussitôt, une attaque miséricordieuse lui ôta sans retour la connaissance et la parole. Quelques heures se passèrent à essayer d’inutiles remèdes. Quand il fut visible que la fin approchait, les Raugraves se mirent à genoux, toute la Gour se mit à genoux, les soldats et les officiers de l’escorte se mirent à genoux, et le prédicateur de la Cour récita parmi les pleurs et les cris une prière que les assis- tans répétaient après lui. Elle disait que si Dieu, dans sa sagesse, avait résolu de ne point permettre que Sa Grâce se relevât de cette maladie, Dieu était supplié de rappeler Sa Grâce à Lui :

  1. Les détails qu’on va lire sent empruntés à deux relations sans noms d’auteur, publiées à la suite de la Correspondance de Charles-Louis avec la duchesse Sophie, p. 435-442.
  2. Y compris Mme Berau, dit Hanser, II, p, 686. Les deux relations taisent son mon