Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 45.djvu/840

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conserver au moins chez l’enfant « le sentiment. du devoir envers la patrie. »


II

Le 10 février 1879, Jules Ferry, qui avait eu plusieurs fois l’occasion de rencontrer Gréard et qui l’appréciait à sa valeur, le nomma vice-recteur de l’Académie de Paris. Pendant vingt-trois ans, Gréard a exercé ces hautes fonctions qui se sont en quelque sorte incarnées en lui. Pour toute une génération universitaire, il a été le Recteur par excellence. Son activité incessante se portait sur tous les points de son vaste domaine. Questions de locaux, questions de personnes, questions de programmes, il s’occupait de tout avec une égale sollicitude, et sa main se retrouve partout. Plus de cinquante millions furent obtenus par lui, tant de l’Etat que de la Ville de Paris, pendant les années de son rectorat, et ce n’est rien exagérer de dire que sa vigoureuse impulsion a été pour presque tout dans l’heureuse transformation, au point de vue matériel, de nos établissemens d’enseignement secondaire.

Plus difficile à préciser est l’influence qu’il exerça sur la question des programmes. Il n’administrait plus ce domaine en maître absolu, comme il avait fait celui de l’enseignement primaire dans le département de la Seine. Ces fonctions nouvelles l’obligeaient à compter non seulement avec les directeurs de l’enseignement secondaire, dont l’autorité s’exerçait parallèlement à la sienne et sans la participation desquels aucune entreprise ne pouvait être menée à fin, mais même avec les ministres dont quelques-uns, pas tous, avaient leurs idées personnelles, bien que l’un d’eux ait dit ingénument quelques mois avant de mourir : « Quand j’arrivai au Ministère, j’aurais pu faire un bon garde des Sceaux, mais j’ignorais tout des choses de l’Instruction publique. » Aussi, sous aucun ministre, l’influence de Gréard n’a-t-elle été aussi grande. Mais d’autres ministres apportaient dans les bureaux de la rue de Grenelle leurs idées personnelles que Gréard ne partageait pas toujours, mais dont ils entendaient assurer le triomphe, ce qui ne laissait pas de le placer parfois dans une situation difficile. « Sa correction administrative, dit l’auteur d’un excellent livre[1] qui servira beaucoup

  1. Un moraliste éducateur : Octave Gréard, par Mlle Bourgain (Hachette).