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programme qu’elle y avait fait adopter, et s’il regrette que, dans la période de réaction qui suivit les représentations d’Esther, elle ait supprimé, au point de vue de l’instruction, une partie de ce programme, il loue sans réserve ses procédés d’éducation et la peine qu’elle prend pour de bonne heure « faire entrer les enfans en raison » et développer chez les demoiselles « le jugement. » Il revient avec complaisance, à plusieurs reprises, sur la manière dont elle entendait l’enseignement de la religion. « Que la piété qu’on leur inspire, disait-elle, soit solide, simple, douce et libre ; qu’elle consiste plutôt dans l’innocence de leur vie, dans la simplicité de leurs occupations, que dans les austérités et les retraites. Quand une fille instruite dira et pratiquera de perdre vêpres pour tenir compagnie à son mari malade, tout le monde l’approuvera... Quand elle dira qu’une femme fait mieux d’élever ses enfans et d’instruire ses domestiques que de passer la matinée à l’oratoire, on s’accommodera très bien de cette religion et elle la fera aimer et respecter. » Enfin, après avoir fait sur plus d’un point l’éloge des procédés employés par elle, et déclaré, en propres termes, que, sous certains rapports, « la pédagogie moderne n’a rien trouvé que les Dames de Saint-Louis n’eussent, dans une certaine mesure, appliqué dans la perfection, » il termine cette étude substantielle en disant : « On peut discuter ses vues, on ne peut méconnaître son autorité en matière d’éducation. Elle est de la race de Boileau ; en mal parler porte malheur. »

En quels termes parle-t-on aujourd’hui de Mme de Maintenon et même de Fénelon, soit dans les lycées et collèges créés en application de la loi de 1880, soit dans l’École normale où l’on forme les maîtresses destinées à enseigner dans ces lycées et collèges ? J’avoue l’ignorer absolument, mais, je ne sais trop pourquoi, je me figure que ce n’est peut-être pas sur le ton qu’aurait souhaité Gréard. Sans doute il ne faut pas attacher plus d’importance que de raison à certaines publications où il convient de faire très large la part de l’imagination, de la fantaisie et de la personnalité. Il est difficile cependant de croire que, dans ces publications d’anciennes élèves, il n’entre pas une part de vérité. Si, comme il est probable, dans ces établissemens on parle avec peu de déférence de Mme de Maintenon, souhaitons que cela ne leur porte pas malheur, que le fanatisme, tous les fanatismes continuent d’y être en horreur, et que l’éducation qu’on y donne