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demeure ou redevienne semblable, comme Gréard lui-même l’indiquait dans une jolie page « à l’une de ces statues antiques que Fénelon représente dans toute la sève de la vie, le port élégant et ferme, la démarche modeste et aisée, le front éclairé par la pensée et le sourire aux lèvres. »


IV

Gréard était plus à l’aise pour se mouvoir sur le terrain de l’enseignement supérieur que sur celui de l’enseignement secondaire, car, sur ce terrain, il se sentait d’accord, non seulement avec ses chefs hiérarchiques, mais avec lui-même. Il ne pouvait y avoir désaccord en effet sur la nécessité de relever notre enseignement supérieur de la misère où, peu à peu, il était tombé, misère matérielle s’entend et à certain point de vue glorieuse, car elle n’avait empêché ni les lettres françaises de s’honorer par les cours d’un Guizot, d’un Cousin, d’un Fustel de Coulanges, ni la science de s’illustrer par les travaux d’un Magendie, d’un Dumas, d’un Claude Bernard, d’un Berthelot, d’un Pasteur, et elle avait montré ce qui peut, malgré l’insuffisance des ressources mises à sa disposition, la force persévérante du génie.

Il était urgent cependant d’apporter un remède à cette misère, car, si une forte organisation de l’enseignement primaire et de l’enseignement secondaire est nécessaire à un peuple pour maintenir son rang dans le monde, c’est par l’enseignement supérieur qu’il conquiert le premier. Il était nécessaire de rendre la vie à nos Facultés des lettres et des sciences devenues languissantes en leur donnant plus de liberté, en les appelant à s’administrer elles-mêmes et en leur remettant le gouvernement de leur vie matérielle et de leur vie intellectuelle. Il était nécessaire aussi de transformer les habitudes de notre enseignement supérieur, et, sans méconnaître l’utilité qu’ont eue, en leur temps, ces cours surtout oratoires qui ont jeté tant d’éclat sur la Sorbonne ou le Collège de France, d’habituer cependant nos professeurs à donner à leurs leçons une forme plus précise, de les rapprocher davantage de leurs élèves, et de créer entre eux la relation amicale de maître à apprenti par laquelle se transmet, avec la science acquise, la méthode de travail. La condition indispensable de ces réformes était d’élargir le cadre où se distribue cet enseignement