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« Déliez-moi, je vous en conjure, de cette parole qui fait le malheur de chaque instant de ma vie, et comptez sur ma prudence. Croyez-vous que mon cœur ne veillerait pas sur vous[1] ? »

Mais elle, légère, imprévoyante, n’avait pas songé aux conséquences de ce voyage. Pouvait-elle prévoir la captivité de Blaye, l’odieuse surveillance qui trahirait son secret ? Et puis... comme ses camarades vendéennes, ne pourrait-elle, s’il le fallait, accoucher dans un fossé et remonter à cheval ?

« Je suis bien impatiente, comme vous pouvez le croire, mon cher Hector, de vous revoir, répondait Marie-Caroline. Mais je craindrais trop pour votre sûreté, si je vous faisais venir dans un pays où je suis en prison, et où peut-être on vous ferait subir le même sort.

« Ma seule consolation a été d’avoir reçu de vos chères nouvelles et de celles de mes enfans. Mais, comme tout cela est rare ! Comme il me tarde de déposer dans le sein de mon Hector, de mon meilleur ami, tous les détails de ce que j’ai souffert.

« Vous ne pouvez vous en faire une juste idée. Mais, ce qui me console, c’est que vous n’en avez pas été le témoin.

« Avec votre cœur si tendre et si sensible, vous auriez subi un cruel supplice, »

Et cette lettre s’achève sur ces mots qui, sans rien dire, diront tout :

« Je vous rends votre parole, vous pouvez parler de notre mariage à nos parens, puis à nos amis. Les conséquences de ma course rapide m’obligent à divulguer sous peu notre union.

« Adieu, cher mari, que le Seigneur veuille bientôt vous réunir à votre affectionnée

« Caroline[2]. »


III

Le rideau tombait à Blaye, pour se relever bientôt à Naples et à Prague, sur d’autres scènes, à coup sûr moins odieuses, mais presque aussi tragiques. La princesse semblait les pressentir sans en être découragée : elle escomptait sa liberté prochaine. Elle escomptait les dévouemens qui n’avaient pas attendu

  1. Vicomte de Reiset, Marie-Caroline Duchesse de Berry, p. 382.
  2. Id., ibid., p. 386.