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Si le Roi l’ordonne, je retournerai près d’elle. Madame regrettera l’erreur qui lui a fait supposer que je pourrais, mieux qu’un autre, intercéder en sa faveur. J’aurais peut-être pu donner à Votre Majesté quelques explications encore ; mais je n’en ai, aujourd’hui, ni la force, ni le courage. Si Votre Majesté me permettait de me représenter devant elle, peut-être parviendrais-je à obtenir de sa bonté d’être chargé, pour la Duchesse de Berry, de paroles moins désespérantes.

Mme la Dauphine qui, pendant toute cette explication, était restée dans l’embrasure de la fenêtre, s’approcha alors du Roi.

— Mon père, cette conversation vous a fatigué. Il est tard. Il fera nuit avant que vous soyez à Bulsturad, Vous pourriez peut-être autoriser M. de La Ferronnays à venir vous y retrouver.

Le Roi se leva et dit d’un ton un peu moins rude :

— Cette affaire m’a fortement agité. Depuis longtemps, tout ce qui m’arrive de la Duchesse de Berry me fait mal. Cependant, je veux bien encore vous revoir. Il est trop tard aujourd’hui pour continuer cette conversation. Venez dîner après-demain à Bulsturad, je vous donnerai mes derniers ordres.

Puis il se leva et se dirigea vers la porte. La Dauphine, qui le suivait, murmura à l’oreille de La Ferronnays : « Maintenant que l’orage a éclaté, le Roi se calmera, il sera bien mieux disposé après-demain. »

… En rentrant chez lui, le malheureux ambassadeur trouvait un billet du prince de Metternich, qui fixait au lendemain à sept heures l’audience de l’Empereur.

Mais qu’importait maintenant l’audience ? la cause de la Duchesse de Berry semblait irrémédiablement perdue.


V

La Ferronnays en était à se désoler, dans sa triste chambre d’auberge, quand on lui annonça M. de Montbel, l’ancien ministre du Cabinet Polignac. — Il ne le connaissait que de vue, mais prisait très haut sa loyauté et son courage. Toute diplomatie eût été, avec lui, hors de saison. — La Ferronnays l’avait si bien compris qu’il tenait, deux heures après, pour son meilleur ami, celui que, deux heures avant, il ne connaissait pas. — Que de douleurs, que de craintes aussi, leur étaient communes !

La façon dont La Ferronnays venait d’être reçu avait causé