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VI

Ainsi fut fait. La Ferronnays, arrivé à Florence vingt-quatre heures après M. de Montbel, courut à son hôtel.

Il était six heures du matin ; M. de Montbel le rejoignit presque aussitôt, dans le petit salon attenant à sa chambre à coucher.

— Nous avons fait un voyage inutile, je regrette de l’avoir entrepris, furent ses premières paroles. J’ai vu la Duchesse hier, une heure après mon arrivée. Je l’ai trouvée plus montée que jamais. Elle est décidée à ne céder en rien, à risquer toutes les conséquences d’un éclat, en arrivant à Prague, en dépit des mesures prises pour lui barrer la route.

Mes raisonnemens, mes explications ont été inutiles. Elle a fini par s’emporter contre ce qu’elle appelait la partialité de ma conduite. Je ne puis plus rien. Quant à vous, elle vous attend avec impatience. Elle se persuade que la lettre que vous lui apportez de l’Empereur, lui donnera la liberté de continuer son voyage. Cette lettre, si différente de ce qu’elle espère, va redoubler son irritation ; vous allez avoir une scène pénible. Il me paraît impossible que vous parveniez à lui faire entendre raison. »

Comme la Duchesse ne devait recevoir La Ferronnays qu’à onze heures, La Ferronnays se rendit chez le comte de Saint-Priest, en quittant M. de Montbel. Le comte de Saint-Priest était le conseil le plus autorisé de la Duchesse. L’accueil fut parfait, enveloppé, cependant, de toutes les réserves imaginables.

— Au fond, disait M. de Saint-Priest, la question demeure la même, si affectueuse que soit la lettre du Roi, apportée par Montbel. Elle ne change rien aux exigences premières, ni aux raisons, par conséquent, qu’a la Duchesse de les repousser.

Le seul fait, concluait-il, le seul fait de la délivrance de son acte de mariage suffirait à la déposséder de ses droits de mère, de princesse du sang et de régente. Elle se refuse et se refusera toujours à le livrer.

C’était aborder la question que La Ferronnays n’entendait traiter qu’avec la Duchesse elle-même. Il quitta donc M. de Saint-Priest sans la discuter, mais non, cependant, sans avoir obtenu de lui la promesse d’une complète neutralité.

A l’heure dite, il se présentait au « Poggio-Imperial, » où