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de douceur. — Telle avait été, à peu près, l’enfance d’un autre poète, lui aussi parisien et bourgeois. Mais autour de Musset, on était voltairien ; lui-même était dandy et regardait au-dessus de lui vers les élégances, au lieu de s’incliner vers les petits. Cela marque tout de suite la différence.

Coppée a répété maintes fois qu’il avait été un médiocre écolier. Et il s’en faisait gloire, le misérable ! notamment les jours où il présidait les distributions de prix. Il avait peu de goût pour ce qu’on enseignait alors au collège. Les Grecs et les Romains le laissaient froid : ce néo-hellénisme où la poésie venait de se retremper n’éveillait nul écho dans son âme. Il n’était pas attiré davantage par la philosophie, et pendant longtemps il ne montra aucune curiosité pour les « grands problèmes » : au reste, à aucune époque de sa vie, il ne devait être un écrivain penseur. Il laissait à d’autres les subtilités de la psychologie et les analyses délicates des états de conscience. Il n’avait pas promené son imagination à travers les lointains de l’histoire et ne se croyait pas capable d’en ressusciter les somptueux décors. Ainsi se trouvait limité son horizon.

Que pouvait-il donc mettre dans ses vers ? Il y mit d’abord ses rêveries d’adolescent. Il avait lu les poètes modernes, parmi lesquels il préférait Sainte-Beuve pour sa veine de poésie intime, Leconte de Lisle pour la perfection de son art, Baudelaire pour sa troublante bizarrerie. Ses premiers vers sont d’un enfant nerveux et débile, mélancolique et tendre. Il a lui-même caractérisé dans un délicieux symbole cette inspiration de ses recueils de début : le Reliquaire, les Poèmes divers, les Intimités.


Afin de louer mieux vos charmes endormeurs,
Souvenirs que j’adore, hélas ! et dont je meurs,
J’évoquerai dans une ineffable ballade,
Aux pieds du grand fauteuil d’une reine malade,
Un page de douze ans aux traits déjà pâlis
Qui dans les coussins bleus brodés de fleurs de lys
Soupirera des airs sur une mandoline,
Pour voir, pâle parmi la pâle mousseline,
La reine soulever son beau front douloureux
Et surtout pour sentir, trop précoce amoureux,
Dans ses lourds cheveux blonds où le hasard la laisse
Une fiévreuse main jouer avec mollesse.
Il se mourra du mal des enfans trop aimés...


C’est un enfant encore, trop aimé et surtout mal aimé, cet Angélus recueilli par un vieux prêtre et par son vieux bedeau, et qui meurt