Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/10

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gouvernement français s’appliquait cependant à contenir ces entraînemens dans certaines limites et à en arrêter les progrès. Lorsque le comte Medem, chargé d’affaires russes pendant le congé de l’ambassadeur, crut devoir avertir le maréchal Soult, premier ministre en France, qu’il pouvait provoquer une guerre européenne, celui-ci lui répondit : « Pour désirer la guerre, je devrais être ou un sot ou un traître ; or, je l’espère, on ne me croit ni l’un, ni l’autre. » Le gouvernement français fit preuve de sagesse dans d’autres questions politiques : il désirait réellement le maintien de la paix en Europe et, en particulier, l’établissement de bons rapports avec la Russie. Ainsi lorsque, sur l’initiative du fameux agitateur polonais Lelevel, un « Comité national révolutionnaire permanent » fut créé à Paris pour ameuter les esprits contre la Russie, le gouvernement prit des dispositions pour le fermer. Il est vrai qu’il le fit sous la menace de l’ambassadeur de Russie de quitter la France avec tout le personnel de l’ambassade si l’on ne donnait pas suite à cette réclamation. Quoi qu’il en soit, les dispositions nécessaires furent prises. Néanmoins, en décembre 1832, le comte Pozzo di Borgo quitta encore une fois Paris pour se rendre à Londres, uniquement afin de ne pas assister, au jour de l’an, à la réception du corps diplomatique aux Tuileries. Il ne voulait d’aucune manière, en qualité de doyen du corps diplomatique, se charger de prononcer le discours traditionnel de félicitation au Roi.

D’autre part, lorsque la duchesse de Berry entreprit, en été 1832, sa campagne extravagante contre la monarchie de Juillet, les sympathies personnelles de l’empereur Nicolas Ier lui étaient assurément acquises. Mais, dès le début de l’entreprise, il en redoutait l’insuccès. Le 11/23 avril, la duchesse adressa une lettre à l’Empereur, pour le mettre au courant de ses projets et invoquer sa protection. « Appelée, disait-elle, par les vœux du Midi et de la Vendée, je vais me rendre au milieu des populations fidèles de ces contrées et leur confier les droits de mon fils. Forte de la justice de sa cause, je compte sur l’appui de la Divine Providence et sur celui de tous les cœurs généreux, c’est-à-dire, Sire, que j’ose invoquer le vôtre, et les nobles qualités qui vous distinguent me sont un sûr garant qu’il ne me sera point refusé. » Cette lettre autographe de la duchesse devait produire une étrange impression sur l’Empereur : elle était entièrement dépourvue de signes de ponctuation et d’accens. Il est possible