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politiques ou administratives élues. Dans les cercles où la population allemande domine, elle n’a acheté un bien allemand que s’il était en danger de passer en mains polonaises. Parfois aussi, elle a voulu porter secours à une église, à une école envahies par le Dieu ou la langue slaves. Dans les cercles où la population polonaise est en majorité, elle a profité de l’occasion pour acquérir soit une grande terre domaniale, soit plusieurs propriétés contigües, soit encore telles propriétés séparant et isolant l’une de l’autre les communes allemandes existantes. C’est ainsi qu’elle a pu obtenir des groupemens de colonies formant des communes nouvelles purement allemandes.

En vingt ans, de 1886 à 1906, la Commission de colonisation a acheté 325 993 hectares, acquis en majeure partie sur la grande propriété. Ce régime domine dans l’Est où, naguère, un cinquième du sol était entre les mains de 2 500 personnes seulement. La Posnanie est la province où il est le plus développé ; il n’a pas cessé de s’y accroître au cours du XIXe siècle et, de 1816 à 1880, le nombre des habitations paysannes est tombé de 48 000 à 39 000. Ce phénomène économique, se produisant en même temps que l’accroissement de la population, devait occasionner un lourd malaise social. La grande propriété est, en outre, un obstacle aux progrès du germanisme. Les possesseurs allemands sont, d’une part, obligés d’employer des ouvriers agricoles polonais ; d’autre part, ils ne résident pas sur leurs terres et n’y exercent donc point une patriotique influence. En 1889, sur 74 propriétaires allemands de Posnanie, 47, possédant 158 996 hectares, demeuraient dans la province ; 27, possédant 161 631 hectares, vivaient ailleurs. Tandis que, sur 75 grands propriétaires polonais, 68 administraient eux-mêmes leurs terres d’une étendue de 262 454 hectares[1].

Se conformant aux intentions du législateur, la Commission de colonisation a acheté 590 grands domaines couvrant 305 986 hectares, et 398 petites propriétés paysannes représentant 20 000 hectares. Son activité s’est déployée surtout en Posnanie où le « danger polonais » est le plus menaçant ; elle y a colonisé 230 000 hectares. Ces terres sont souvent en mauvais état et d’un rapport médiocre. Il serait difficile d’y installer des

  1. Petzet, Die preussischen Ostmarken. Munich, 1898. Voir aussi M. Bernus, Prussiens et Polonais, publication très documentée parue dans les Cahiers de la Quinzaine, 1907.