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prussiennes, amoncelées, pendant vingt ans, dans un ordre de choses où le dernier mot ne resta pas toujours à la force.

Quel que soit l’avenir, le spectacle du présent nous enseigne comment une nation qui ne sut pas vivre sait ne pas mourir.


IV

La dispute du sol eut pour conséquence immédiate la hausse du prix des terres. Le prix moyen de l’hectare payé par la Commission de colonisation était de 568 marks en 1886, de 648 marks en 1896, de 801 marks en 1901, de 1 383 marks en 1906. Dans le district de Bromberg, il est monté jusqu’à 1 500 marks. Une des causes principales de la hausse actuelle est le besoin croissant auquel la Commission doit faire face pour satisfaire les 1 200 colons qui viennent annuellement dans les Marches de l’Est, et empêcher ce mouvement de dévier vers le Brésil et le Canada où le pain quotidien n’est pas empoisonné de sourdes haines. En 1897, elle n’avait acheté que 4 733 hectares. En 1903, elle en acheta 39 000 et plus de 60 000 pendant les années 1904 et 1905[1].

La loi de colonisation ne visait, en principe, que les terres polonaises. Dans les deux premières années de son fonctionnement, la Commission fit l’acquisition de 62 propriétés, d’une contenance de 36 000 hectares, disséminées dans vingt-cinq cercles ; sur ce nombre, quatre propriétés seulement étaient allemandes. Beaucoup de grands domaines polonais étaient alors à vendre ; les uns avaient été grevés d’hypothèques à la suite des agitations dispendieuses du milieu du siècle ; les possesseurs des autres, ayant perdu le sens social de la terre, désiraient la convertir en argent pour se libérer des responsabilités qu’elle comporte ; enfin, le peuple polonais ne s’était pas encore levé en masse pour défendre le sol et jeter l’opprobre sur les déserteurs. La Commission opérait lentement, attendant les colons qui arriveraient avec des idées agricoles toutes faites, simples, mais irréductibles, et dont il faudrait tenir compte, si l’on voulait assurer le succès de l’entreprise. Pendant les dix années qui suivirent, les colons affluèrent et la colonisation se fit en grand,

  1. Zwanzig Jahre, etc.