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Kisselew ne se montra nullement déconcerté par les questions de Guizot. Il s’appliqua à démontrer qu’on pouvait trouver des réponses précises sur ces trois points dans la lettre communiquée du comte Nesselrode. Ce fut évidemment une maladresse de la part du chargé d’affaires de Russie, qui voulut faire acte de présence d’esprit. Guizot cessa l’entretien et l’entrevue prit fin.

Deux jours après, Guizot invita Kisselew à se rendre chez lui : il était autorisé par le Roi à lui communiquer les vues de celui-ci sur les questions mentionnées plus haut. Il dit à Kisselew que le Roi était très sensible aux bons sentimens du gouvernement russe, mais il pensait « que si la réapparition du représentant de Sa Majesté l’Empereur ne devait pas avoir pour conséquence d’autres procédés que ceux qui ont existé jusqu’à présent entre les deux Cours, » il serait préférable de conserver des chargés d’affaires. En faisant part à Kisselew de cette décision du Roi, Guizot ajouta : « J’ai trouvé le Roi plus vif et plus décidé que je ne pouvais m’y attendre sur le point que je viens de vous exposer et résolu à préférer la bonne gestion des affaires par ceux qui en sont actuellement chargés à celle par des ambassadeurs, si ceux-ci devaient s’imposer encore des restrictions dans leur courtoisie ou dans leur langage envers les souverains auprès desquels ils se trouvent accrédités. » Voilà pourquoi, ajouta le ministre français, le retour du comte Pahlen dans les anciennes conditions ne serait qu’un « replâtrage, » ou bien une réconciliation non sérieuse, et non pas une amélioration entre la Russie et la France.

Toutefois, dit Guizot en terminant, des circonstances peuvent surgir, où une amélioration réelle arrivera d’elle-même. Il faut en profiter, et le gouvernement est disposé à montrer sous ce rapport le plus grand empressement. Ainsi, par exemple, le comte Benkendorff doit arriver à Paris. Qu’il se présente au Roi, proposa Guizot, et dans ce cas, d’autres Russes arrivant à Paris suivront son exemple. Autre procédé : on attend prochainement la délivrance de l’épouse du Cézarévitch. Qu’on fasse part de cet heureux événement au Roi, comme on le fait à l’égard des autres souverains : aussitôt les relations entre les deux Cours subiraient une amélioration réelle, et le retour des ambassadeurs à leurs postes serait la conséquence naturelle de cet état de choses si désirable. — Kisselew se fit un devoir de