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tant espéré prendre passage, le prétendant comblé d’égards par l’état-major du Tigre débarquait à Pondichéry, plus résolu que jamais à faire triompher ses revendications.

S’il avait éprouvé quelque inquiétude sur le sort qui l’y attendait, il fut promptement rassuré. La population française tout entière lui fit un accueil cordial. Le gouvernement lui accorda une pension convenable et le traita avec distinction ; dans son hôtel affluèrent librement les émissaires de Birmanie qui lui apportaient les larges subsides de ses partisans, enthousiasmés par les récits romanesques de ses aventures. Ce va-et-vient constant, le luxe princier qui en était la conséquence, la grande allure et l’indomptable énergie du prétendant eurent vite prouvé à M. Richaud, gouverneur de nos établissemens dans l’Inde et, plus tard, à ses successeurs, que leur hôte était une personnalité dont il fallait tenir compte. D’autre part, les rapports de nos agens à Mandalé, les appréciations de quelques Français que les affaires ou le goût des voyages avaient attirés dans la vallée de l’Irraouaddy, étaient unanimes à certifier la popularité grandissante de Myngoon en Birmanie. Il en résulta que le gouvernement français songea plusieurs fois à l’utiliser pour faire échec aux prétentions anglaises. Cette constatation explique les allées et venues du prince entre Pondichéry et Colombo : suivant l’état des négociations au sujet des Zones respectives d’influence en Indo-Chine, on donnait tacitement au prétendant une autorisation de départ que, sous divers prétextes, on annulait dès qu’elle avait produit à Londres son effet attendu.

Myngoon, un instant abattu par la perte de son frère Myngoon Din mort à Bénarès après une courte maladie, ne cessait d’ailleurs d’exposer ses doléances et de réclamer sa liberté d’action. Les bons offices de notre gouvernement qui avait même obtenu de l’Angleterre l’autorisation pour la famille et les serviteurs des deux princes de quitter Bénarès et de rejoindre le prétendant à Pondichéry, les promesses d’une aide efficace au moment favorable, avaient tout d’abord calmé son impatience ; mais depuis la nouvelle orientation des événemens, il affirmait ne plus vouloir attendre un appui peu probable. Le général Premdergast avait envahi la Birmanie, Thibau était enfin détrôné, lord Dufferin proclamait l’annexion du royaume d’Ava à l’Empire des Indes. Aux rebelles que les Anglais qualifiaient