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politique ne diminue pas, Use déplace ; celui auquel l’Empereur renonce ne se perd pas, d’autres s’en emparent ; le chancelier, désormais, ne dépend plus du souverain seul, il dépend aussi de l’opinion représentée par le parlement. Pour un homme aussi souple, aussi adroit et aussi éloquent que M. de Bülow, ce n’est pas là un affaiblissement.

Un souvenir s’est, depuis quelques jours, présenté à toutes les mémoires : celui du prince de Bismarck et de la surprenante facilité avec laquelle il a été congédié par l’empereur Guillaume. On a mis en opposition les deux époques, celle d’autrefois et celle d’aujourd’hui, et on a été justement frappé des différences qu’elles présentent. L’empereur Guillaume a obligé le prince de Bismarck, auquel il devait tant, à se démettre ; le prince de Bülow, qui lui devait tout, oblige l’empereur Guillaume à se soumettre. On peut voir là, si l’on veut, une manifestation de la justice, ou, pour mieux dire, de la logique immanente des choses. En congédiant Bismarck comme il l’a fait, le jeune souverain prenait envers son peuple l’engagement d’être un homme de génie. C’est un engagement difficile à tenir, et l’Allemagne estime que l’Empereur ne l’a pas tenu. Elle méconnaît aujourd’hui ses côtés brillans et séduisans ; elle se montre aussi dure pour lui qu’il l’a été pour Bismarck ; elle lui chicane et lui enlève ses attributions, comme il interdisait lui-même au vieux chancelier d’avoir des contacts directs avec les représentans des divers partis au Reichstag. La situation est retournée, mais c’est la même, et on reconnaît une fois de plus combien sont fragiles en de certains momens les pouvoirs isolés, ou du moins ceux qui n’ont qu’un seul point d’appui ! Bismarck n’en avait qu’un, l’Empereur ; lorsqu’il lui a manqué, il est tombé. Il s’était appliqué, pendant sa vie politique, à tout aplanir, à tout abaisser autour de lui. Sa grandeur, quelque haute qu’elle fût, prenait ombrage de tout ce qui tendait à s’élever dans l’Empire. Qu’en est-il résulté ? A l’heure critique, celui qu’on se plaisait à appeler le chancelier de fer, a été brisé comme un roseau. En aurait-il été ainsi, s’il avait fait du Reichstag une réalité vivante, et s’il avait pu s’y appuyer sur un ou sur plusieurs partis ? Le gouvernement parlementaire donne à un homme de talent, et à plus forte raison à un homme de génie, s’il vient à tomber, le moyen de se relever. Ses amis ne l’abandonnent pas dans sa chute ; ils se serrent autour de lui et recommencent la lutte ; ils préparent les revanches de l’avenir. M. de Bülow a vu fonctionner des gouvernemens parlementaires : il a pu comparer les