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ressources que trouverait en eux un homme de sa valeur, avec le défaut de sécurité pour les personnes qu’offre le gouvernement absolu ; et qui sait si cette comparaison n’a pas été pour quelque chose dans l’altitude qu’il a prise ? Il a joui plus longtemps qu’un autre de la faveur impériale ; mais tout s’use et le caprice d’un prince est sujet à changer. La séduction de sa parole fait sans doute de M. de Bülow l’homme le plus propre à diriger une assemblée, à s’appuyer sur elle, à en faire une force, à garder cette force entre ses mains. Le proverbe dit qu’il faut mettre deux cordes à son arc : M. de Bülow montre par son propre exemple la sagesse du proverbe et le moyen de l’utiliser.

Nous avons dit qu’au premier moment, l’opinion n’a pas été plus clémente pour lui que pour l’Empereur, et il faut bien avouer que la négligence qu’il avait mise à lire l’interview impériale, qui lui avait été soumise, n’était pas de nature à lui concilier la faveur publique. Mais on s’est aperçu vite qu’il était, au moins pour le moment, l’homme indispensable et irremplaçable. On avait doublement besoin de lui, d’abord pour agir sur l’Empereur, ensuite pour agir sur le Reichstag. Il s’est fort bien acquitté de la première partie de sa tâche ; reste la seconde, qui n’est pas non plus très facile. Le gouvernement personnel n’a pas les seuls inconvéniens qui viennent d’apparaître à tous les yeux ; il a encore celui de coûter très cher. L’Allemagne s’en aperçoit aujourd’hui même ; on lui présente une formidable carte à payer. Nous le reprochons souvent à nos parlemens d’être dépensiers à l’excès, et ce reproche est trop justifié : mais que dire du gouvernement allemand ? Quelque peu parlementaire qu’il soit, il a dépensé dans ces dernières années, non pas des millions, mais des milliards, avec une extrême libéralité. Chaque année, le budget a été en déficit, et on a généralement comblé ce déficit avec des emprunts : système commode, mais qui finit mal, parce que ces emprunts eux-mêmes, il faut les payer et, pour cela, se résigner finalement à augmenter les impôts. On les a augmentés une première fois de 200 millions, qui n’en ont pas produit beaucoup plus de 100. La situation n’en a été nullement liquidée : il a fallu l’envisager dans toute sa gravité.

On a parlé alors d’une réforme financière, mais est-ce bien d’une réforme qu’il s’agit dans les projets du gouvernement ? Point du tout, et il semble bien que ce mot ait été mis là pour faire illusion : en réalité, il s’agit tout simplement d’augmenter les impôts existans, et presque exclusivement les impôts indirects. Si c’est une réforme, elle n’a rien de démocratique, et elle n’accroîtra pas le prestige du système