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mon propre projet fort incertain, puisqu’il était subordonné au vôtre. Quoique je n’aie guère d’argent, en ce moment, à laisser dans les auberges, je n’aurais pas hésité à courir à Florence au risque de n’y être que pour quelques jours, et d’arriver pour voir que vous n’y pouviez rester sans une déplaisance qui me serait devenue insupportable ; mais depuis que j’aurais pu faire cette course, je suis avec des plaies bien près du cerveau ; et ce n’est guère dans cet état que l’on voyage. Aujourd’hui que je suis à peu près guéri et que je pourrais voyager, je ne suis guère moins embarrassé qu’auparavant. Votre avant-dernière lettre respire d’un bout à l’autre le mécontentement et l’ennui de Florence ; vous m’avouez m’avoir écrit ou. avoir été sur le point de m’écrire de ne pas venir, et que si vous ne l’avez fait, ç’a été pour ne point me faire de la peine. Encore, dans votre dernière, vous pensez avec bien du désir à retourner à Paris : la prudence vous a dit d’y aller.

Je ne suis qu’un peut-être dans les chances qui peuvent vous faire rester. Que dois-je faire ? Vous retrouver pour vous reperdre aussitôt est une chance que je n’ai pas le cœur de courir ; et je n’ai pas besoin d’aller si loin pour chercher une peine si grande : je l’aurai probablement ici, puisque c’est votre chemin le plus court pour retourner en France. Il m’est évident aujourd’hui qu’en restant quelques mois à Florence, c’est un sacrifice que vous me feriez, votre maman et vous : et il n’y aurait de ma part ni générosité, ni prudence à l’accepter. Puisque vous vous plaisiez tant à Rome, pourquoi ne pas me proposer d’aller vous y joindre ? Enfin, chère amie, tous les reproches que vous me faites sur le passé, m’intimident tellement sur l’avenir, je suis si embarrassé à concilier ce qu’il y a perpétuellement de contradictoire dans vos lettres que, sans perdre le désir et le besoin de vous plaire, il faut bien que j’en perde l’espoir. Pour finir ce pénible sujet, je ne puis que vous répéter ce que je vous ai dit dans ma dernière lettre. Y a-t-il assez de probabilité que vous vous plaisiez à Florence pour que vous puissiez me dire : Venez ; j’y vais, à présent que je n’ai plus de plaie depuis hier. Vous plaît-il d’aller passer l’hiver à Rome : j’y vais. Dites-moi quelque chose qui vous convienne ou vous plaise et qui me soit possible ; car pour moi, je n’ose plus rien vous proposer… Je ne puis plus que me résigner à ce que vous résoudrez. Il y a des momens où je serais tenté de vous souhaiter en France, pour