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REVUE DRAMATIQUE


Théâtre-Antoine : Les Vainqueurs, pièce en quatre actes, par M. Emile Fabre. — Comédie-Française : Le Foyer, pièce en trois actes, par MM. Octave Mirbeau et Thadée Natanson.


Nous sommes plusieurs en France qui ne serons jamais ministres. Nous affectons de ne pas nous en soucier ; mais c’est à la manière du renard de la fable : car nous savons le respect de nos compatriotes pour quiconque détient une parcelle du pouvoir. C’est afin de diminuer nos regrets que M. Emile Fabre a écrit ses Vainqueurs. Il va nous faire pénétrer dans les coulisses de cette vie brillante que nous envions, et nous en révéler les tristesses, ce sera nous rendre aimable et chère notre médiocrité. Le procédé est connu : il consiste à vanter aux pauvres les bienfaits de la pauvreté qui leur épargne les soucis de la richesse. Le savetier de La Fontaine chantait dès l’aube ; le financier ne pouvait fermer l’œil de la nuit. Qu’il faille, pour se tenir en joie, être tenaillé par le souci du lendemain, et qu’on ne puisse être à la fois riche et content, c’est une idée qui m’a toujours semblé d’une fantaisie délicieuse. Mais si elle trouve créance, gardons-nous bien d’y contredire ! Ne coupons pas les ailes à ce canard consolateur !

Donc M. Daygrand, avocat et député, touche au port : il est à la veille d’être ministre. Demain, il montera à la tribune pour une interpellation foudroyante qui fera de lui l’homme nécessaire. Il compte sans la pelure d’orange, fatale aux ministres défraîchis, mais qui guette aussi les candidats ministres. Les adversaires de Daygrand sont en train de lui « sortir n’une certaine affaire Firmiani-Redan, où il a plaidé pour Firmiani qu’on soupçonne véhémentement de ne pas exister. Les journaux commencent à parler à mots couverts de ce procès comme de la plus colossale escroquerie du siècle. Et ils n’ont