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verra du moins un acte de solidarité humaine que chacun a tenu à faire pour s’associer à son malheur.

Quel que doive être l’avenir de Messine et de Reggio, un souvenir mêlé de tristesse et de terreur planera longtemps sur cette terre où le soleil continuera de verser sa plus pure lumière, mais où aucune puissance surhumaine ne parviendra à verser l’oubli. Nous ne le regrettons pas, d’ailleurs : il y a des choses qu’il ne faut pas oublier. Ce sont celles qui nous rappellent à la fois la fragilité de nos existences terrestres, et la nécessité pour nous de maintenir nos âmes au niveau de toutes les obligations.


Revenons à nos propres affaires. Les élections sénatoriales du 3 janvier n’ont pas été bonnes. On pouvait espérer, à en juger par les élections municipales qui avaient eu lieu quelques mois auparavant, qu’il en résulterait peu de changemens. Les élections municipales avaient, en effet, maintenu le statu quo, et on sait que ce sont les conseils municipaux qui nomment les électeurs sénatoriaux. L’espérance dont nous parlons était donc logique, mais ce n’est pas la logique qui gouverne les choses humaines. Au lieu d’être faites par les communes, les élections sénatoriales sont faites généralement par les préfets. Les maires ruraux ont toujours besoin de la préfecture, et beaucoup d’entre eux ne sauraient se passer de sa bienveillance. Ils se font des solliciteurs d’autant plus intrépides qu’ils demandent pour leurs administrés et non pas pour eux-mêmes ; en quoi ils peuvent se croire désintéressés. C’est par là que les préfets les tiennent, pratiquant avec une hardiesse devenue cynique la politique du do ut des, donnant donnant. On peut se demander si, dans ces brillantes campagnes qu’ils entreprennent, les préfets obéissent à des instructions venues de Paris. Le fait n’est pas absolument sûr ; les préfets obéissent plus vraisemblablement aux influences politiques locales dont l’action s’exerce sur eux d’une manière plus immédiate et, au besoin, plus menaçante. À Paris, on a, tout de même, une plus grande largeur d’esprit ; mais on y a aussi, par malheur, plus de scepticisme, d’indifférence, de laisser aller, de laisser faire. L’action du ministère de l’Intérieur est intermittente, celle des groupemens ou des personnages locaux est interrompue. Pourquoi le gouvernement actuel regarderait-il les progressistes comme des ennemis dont il faut à tout prix se débarrasser ? Les progressistes l’ont plus d’une fois sauvé dans des passes difficiles : on le leur a même assez reproché. Cela étant, on s’explique mal la furie préfectorale