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la légitime protestation du compagnonnage et qui a fini par amener la destruction des corporations elles-mêmes. Les syndicats peuvent fonder ou encourager des institutions qui viennent on aide aux travailleurs de la profession : écoles et cours professionnels, caisse de secours, caisse de prêts, etc. Les syndicats masculins le font souvent. Il serait particulièrement souhaitable de voir les syndicats féminins entrer dans cette voie, et nous sommes heureux de constater que de notables progrès y ont été faits. Il convient de citer en première ligne l’intéressant groupement que, sous l’impulsion d’une femme intelligente, bien connue de tous ceux qu’intéressent les questions féminines, Mlle Rochebillard, ont su réaliser les ouvrières lyonnaises. Le syndicat lyonnais constitue pour ses adhérentes une famille et un foyer. Il en a la douceur, et je ne saurais mieux rendre les sentimens que cette famille et ce foyer entretiennent dans le cœur de celles qui viennent s’y réchauffer qu’en citant ces quelques vers de leur chanson syndicale :


Va donc toujours, modeste travailleuse,
Sur le chemin du devoir, de l’honneur.
Va donc sans peur, souriante et joyeuse,
Les yeux au ciel et l’espoir dans le cœur.


Nous voilà bien loin du refrain de l’Internationale des travailleurs et il faut convenir, à l’honneur du féminisme, que les syndicats d’ouvrières (il est vrai qu’un grand nombre sont des syndicats catholiques) paraissent animés d’un beaucoup meilleur esprit que les syndicats d’ouvriers. Puissent leurs adhérentes s’y maintenir !

A signaler également la Ruche syndicale de la rue de l’Abbaye, dont il a été question ici même[1], bien que, au point de vue spécial qui nous occupe, le nombre des syndicats d’ouvrières proprement dites y soit assez faible. On peut concevoir un espoir sérieux de ce développement des syndicats féminins, mais ce développement ne saurait être que lent et, comme les souffrances auxquelles il s’agirait de porter remède sont aiguës, les réformateurs de société parlent de cette action lente avec dédain et ils mettent ailleurs leur espérance. Ils voudraient, comme c’est aujourd’hui la tendance générale des esprits en

  1. Voyez les articles de MM. Paul Acker et Ludovic de Contenson dans la Revue des 1er août 1905 et 15 juillet 1908.