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Le moins que l’on puisse dire, d’après les documens officiels, c’est que la semaine qui va du 6 au 12 octobre marqua la période d’hésitation dans les hauts conseils de l’Angleterre. L’entretien de M. de Courcel et de lord Salisbury laissait une porte ouverte à l’accommodement ; à Paris, le ministre des Affaires étrangères recevant l’ambassadeur, le 11 octobre, crut pouvoir indiquer les vues du gouvernement français : « En 1893 et en 1894, mon but était de donner à notre colonie du Congo une issue sur le Nil. Pour y parvenir, nous avons fait de lourds sacrifices, nous avons fondé, dans le Bahr-El-Ghazal, et nous entretenons, à grands frais, plusieurs postes ; nous assurons la sécurité et nous protégeons le commerce ; en un mot, nous y remplissons toutes les conditions prescrites par l’acte de Berlin. »

Mais, plus le temps marchait, plus on se heurtait, en Angleterre, aux exigences du parti extrême : l’impérialisme faisait feu de toutes pièces. Ayant son chef dans le gouvernement, il prenait position en vue d’une rupture et d’une guerre. À ce degré d’exaltation, il ne trouvait plus de contre-partie dans l’opinion française : celle-ci, prévenue maintenant de la tournure périlleuse des choses, avait changé ; une véritable panique emportait les esprits ; cette panique, accrue par tant de moyens dont dispose l’Angleterre, s’exagérait par elle-même et donnait à cette puissance, toujours admirablement renseignée, la mesure de ce qu’elle pouvait. La France ne trouva pas à cette heure, dans son droit, dans sa bonne foi, dans ses intentions aussi raisonnables qu’honorables, une de ces impulsions unanimes et chaleureuses qui, en d’autres circonstances, ont réchauffé et animé les gouvernemens. On était au plus fort des divisions intestines ; et cela, non plus, la partie adverse ne l’ignorait pas.

Malgré tout, le Cabinet de Londres ou du moins lord Salisbury, conscient de la relativité d’un tel débat, hésitaient peut-être encore avant de faire, de la question du Bahr-El-Ghazal, un cas de rupture avec la France ou d’infliger à la vieille nation amie l’offense d’une reculade sans atténuation ?

C’est le 12 octobre que la question fut tranchée et dans le sens le plus fâcheux. M. de Courcel et le premier ministre avaient pris rendez-vous. Celui-ci ne souffle plus mot des « droits de l’Egypte ; » il n’invoque plus d’autre titre que le fait de la conquête : « Lord Salisbury me parla de la domination du Mahdi