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abhorre les parlemens. Il est buté contre eux encore plus que son grand-père. » Naguère, lorsqu’il était dauphin, consulté par Maupeou sur l’édit qui allait engager la bataille, il lui retournait le projet avec cette apostille : « Cela est très beau, voilà notre vrai droit public ! Je suis enchanté de M. le chancelier. » Il n’avait pas changé d’avis en montant sur le trône ; pendant la quarantaine imposée aux ministres, Maupeou ayant écrit pour attester son dévouement au nouveau maître de la France, avait reçu de lui cette réponse bienveillante : « J’ai toujours vu avec le plus grand plaisir le zèle et l’attachement que vous avez marqués pour les intérêts du Roi et de la monarchie ; je ne doute pas que vous me soyez aussi attaché. En attendant que je puisse vous voir, s’il arrivait quelque affaire, écrivez-la-moi, et je vous ferai réponse tout de suite. » Il refusait, au même moment, de recevoir la visite de Conti, le seul des princes du sang qui n’eût point désarmé devant le chancelier. Ces manifestations, tout en faisant clairement connaître les sentimens intimes du prince, ne persuadaient cependant qu’à demi ceux qui connaissaient bien sa faiblesse, ses scrupules, sa déférence à l’opinion de son entourage familier. Or, Marie-Antoinette, sous la pression des amis de Choiseul, passait pour contraire à Maupeou et favorable aux anciens parlemens. Mais elle gardait encore quelque réserve, et ses tendances ne se montraient que par de vagues propos et des railleries voilées.

Qu’importaient, au surplus, dans une question si grave, les velléités du souverain ? Il fut certain, du premier jour, qu’il ne se déciderait que par raison d’Etat et sur l’avis de ses conseils. Maurepas était donc, à vrai dire, l’arbitre du litige. « Qu’il eût fait dire au Roi, écrit l’abbé Georgel : « Je veux irrévocablement la stabilité du nouveau système, » et tout était fini. Le chancelier triomphait, et le foyer de résistance entretenu dans l’ancien parlement contre l’autorité royale était éteint à jamais. » Ce mot, les confidens de M. de Maurepas savaient qu’il ne le dicterait jamais : « Voici ma profession de foi, avait-il déclaré à son ami Augeard : sans parlement, point de monarchie. Ce sont les principes que j’ai sucés du chancelier de Pontchartrain[1]. » Plus peut-être que ces « principes, » la haine amassée dans son cœur contre le prince auquel il devait vingt-cinq ans d’exil

  1. Mémoires secrets d’Augeard.