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impressions diverses. L’Angleterre et la France ont fait le meilleur accueil à la proposition russe ; elles l’ont appuyée à Constantinople et à Sofia, comme il fallait d’ailleurs s’y attendre, puisqu’elles marchent d’accord avec la Russie dans l’ensemble de leur politique. L’attitude qu’aurait l’Italie était moins nettement déterminée d’avance par sa situation politique, et on pouvait se demander ce qu’elle serait : l’Italie n’a pas hésité à appuyer la proposition de M. Isvolski. Quant à l’Allemagne et à l’Autriche, elles ne s’attendaient pas à la démarche russe et elles en ont éprouvé quelque embarras. Elles ont sans doute été frappées des considérations politiques dont nous avons parlé plus haut, à savoir, de l’accroissement d’influence que la Russie ne manquerait pas d’acquérir dans les Balkans, si son offre était acceptée et réalisée, et cette conséquence leur a naturellement inspiré quelque froideur. Cependant il était difficile de faire une opposition directe à l’initiative de M. Isvolski, car elle était propre à dissiper les craintes de guerre et à assurer le maintien de la paix, et on désire sincèrement la paix à Berlin et à Vienne : on ne voudrait pas y prendre la responsabilité de la troubler. En fin de compte, les deux gouvernemens alliés ont été d’avis que, dans une affaire d’ordre intérieur, qui ne regardait, disaient-ils, que la Bulgarie et la Porte, ils n’avaient eux-mêmes aucun conseil à donner : la Bulgarie et la Porte feraient ce qu’elles voudraient, elles n’avaient d’autre intérêt à consulter que le leur. Nous avons dit que le gouvernement bulgare avait assez rapidement pris son parti : il n’a pas écouté le parti de l’action militaire, le parti de la guerre, qui ne tenait pas du tout à voir les difficultés s’aplanir ; il s’est montré disposé à accepter la combinaison ; il a commencé à démobiliser. Mais à Constantinople, où on avait demandé à réfléchir, la réflexion semblait tourner de plus en plus au rejet de la proposition. Pourquoi ? Peut-être, là aussi, craignait-on le développement excessif de l’influence russe. Peut-être avait-on besoin d’argent comptant et craignait-on de ne pas en toucher assez : la Russie verserait, à la vérité, tout de suite 82 millions au nom de la Bulgarie, mais la Porte jugeait la somme trop faible et, pour le reste, elle devrait faire un emprunt. Elle ne trouvait pas pour elle, en tout cela, un avantage suffisant. Toutefois, elle devait tenir compte des conseils que lui donnaient les puissances occidentales, car ces puissances avaient montré une grande bienveillance à l’égard de la Jeune-Turquie, et on aurait certainement besoin d’elles pour un emprunt, celui-là ou un autre, qui deviendrait nécessaire un peu plus tôt ou un peu plus tard.