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nous surprendraient guère ; cette halte ne sera pas inutile aux dirigeans canadiens pour consolider l’avance acquise.

La colonisation s’est d’abord attaquée, le long du chemin de fer Canadien Pacifique, aux vastes plaines de la Prairie, devenue l’un des greniers du monde ; elle s’est développée parallèlement au réseau des communications nouvelles, car depuis longtemps les cultivateurs canadiens moissonnent pour l’exportation. Le paysan a toujours été bien accueilli au Canada, d’où qu’il vînt ; mais pour stimuler l’afflux des immigrans, le gouvernement fédéral, aidé des gouvernemens provinciaux, a organisé une large propagande, avec le concours rémunéré de sociétés, civiles ou religieuses. M. Siflon, qui fut longtemps ministre de l’Intérieur dans le Cabinet Laurier, fit ainsi passer dans l’Ouest, au-delà de Winnipeg, des milliers et des milliers de pauvres gens de toutes origines, Anglo-Saxons, Latins, Hongrois, Russes, Syriens ; c’était une « ménagerie humaine, » disait-on à Ottawa, dont les croisemens font une race très composite encore et que tend à niveler, depuis trois ou quatre ans, un flot américain roulant du Sud au Nord. Sous nos yeux, le vieux Canada se prend à coloniser, près de ses anciens établissemens du Saint-Laurent ; la crise américaine de 1907 lui a renvoyé beaucoup d’ouvriers d’usines, qu’avait attirés l’appât des hauts salaires et dont le gouvernement s’efforce de refaire des paysans, dans l’arrière-pays de Québec et d’Ontario ; ceux-là aussi, comme les pionniers de l’Ouest, ont besoin de chemins de fer pour se rendre à pied d’œuvre, pour faire passer au Sud, ensuite, les bois de leurs défrichemens et les grains des clairières conquises. Sir Wilfrid est très favorable à ce mouvement de rapatriement des Canadiens des États-Unis ; que ce groupement de langue française devienne compact et se resserre sous l’obédience d’une seule loi, voilà qui n’intéresse pas seulement l’avenir de la race française au Canada, mais l’avenir même du Dominion comme colonie libre, affiliée à l’Angleterre.

S’il y a une distinction à observer, en effet, entre le Canadien français de Québec et le Canadien d’Ontario, c’est que le premier met une coquetterie plus persistante à se différencier de ses voisins des Etats-Unis. Ontario, par la géographie même, est une presqu’île enfermée entre les Grands Lacs, cernée, sur presque toute sa périphérie, par le territoire de la grande République ; quelle que soit la solidité de son loyalisme britannique, elle est