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l’agrandissement de son territoire, les préoccupations de sa vie intérieure l’absorbent. Son armée lui suffit. Sa marine de guerre reste rudimentaire. Mais bientôt l’intensité de sa production industrielle et l’accroissement de sa population donnent à sa vie extérieure un développement inattendu. En même temps, sa marine est créée. Dans les écoles primaires d’Allemagne des graphiques accrochés aux murailles font ressortir la corrélation existant entre le prodigieux développement du commerce allemand et le développement de la marine. Et cette marine va lui donner sur l’échiquier mondial une place comparable à celle que son armée lui vaut auprès des peuples d’Europe dont elle est limitrophe.

Ces quelques considérations nous montrent que, en Allemagne de même qu’aux États-Unis, l’armée a été considérée comme une force militaire suffisante tant que la vie intérieure a été le facteur prépondérant de l’activité nationale ; et que la puissance navale s’est développée plus tardivement, comme conséquence de l’augmentation de l’importance de la vie extérieure du pays. Cette remarque précise le rôle de l’armée et celui de la marine, car elle nous montre que la puissance militaire ne prend ces deux formes que pour pouvoir s’adapter aux nécessités particulières de la défense de deux manifestations distinctes de l’activité des nations. Ces exemples prouvent aussi que la puissance navale, créée en vue de protéger la vie extérieure déjà existante du pays, remplit en même temps et par surcroit un autre rôle dont on avait jusqu’ici mal apprécié l’importance : elle coopère puissamment, quoique indirectement, à l’augmentation de cette activité qu’elle ne devait que protéger. Le périple des Américains vient d’en fournir une preuve éclatante.

Prenons maintenant le Japon comme sujet de notre étude. Nous aurons à faire des remarques analogues aux précédentes, et cela servira de contrôle à nos premières constatations.

Dans les pays d’ancienne civilisation occidentale, la marine de guerre fait en quelque sorte partie de cet héritage national que les générations successives reçoivent de leurs devancières, sans bien savoir si les avantages surpassent les inconvéniens. Au Japon il en va tout autrement. La marine est une création spontanée, qui ne doit rien à la tradition et qui atteindra son complet développement avant que le pays, à peine sorti de son isolement séculaire, ail eu Je loisir de se créer une vie