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rigoureuse. Mes trois volumes sont criblés de chiffres et de renvois précis. Mes dépouillemens ayant été méthodiquement conduits, et leurs résultats soigneusement consignés avec toutes les indications voulues au fur et à mesure des circonstances, il m’a été facile d’accompagner mes assertions de l’appareil critique qu’elles réclamaient. Là encore, il me suffisait de me reporter à mes fiches où tout était noté.

Quant à l’exécution matérielle, à la composition proprement dite, deux méthodes s’offraient à moi. Je pouvais rédiger en Braille de manière à me relire moi-même et à me corriger, quitte à dactylographier ensuite ma rédaction pour la remettre à l’imprimeur ; je pouvais encore rédiger du premier jet sur ma machine à dactylographier. J’ai usé des deux méthodes, préférant tantôt l’une et tantôt l’autre, selon les circonstances. Quand il s’agissait de pages particulièrement délicates, exigeant une précision spéciale, il me paraissait plus sûr de faire un brouillon en relief afin de le peser et de le contrôler librement ; pour les sorties plus ordinaires, j’aimais beaucoup mieux dactylographier ; dès l’abord.

On s’étonnera que les brouillons en Braille ne soient pas toujours préférés. Ils ont de réels inconvéniens : l’écriture, malgré l’emploi de nombreuses abréviations, reste un peu lente ; surtout elle exige une certaine dépense de forces physiques. Ces deux circonstances brisent l’élan de l’esprit et détachent l’attention de l’effort de la composition pour la détourner vers les détails de l’exécution matérielle. Certains aveugles, je ne l’ignore pas sont moins sensibles à ces inconvéniens, mais je sais qu’il en est d’autres qui comme moi s’en trouvent gênés. La dactylographie, au contraire, est rapide et douce ; elle côtoie, sans l’arrêter, le cours de la pensée qui semble avoir à peine conscience de son mécanisme très souple. Sans doute un clairvoyant conçoit difficilement qu’on puisse écrire sans avoir la possibilité de relire les phrases qu’on vient d’achever. J’ai éprouvé que l’habitude triomphe de cette difficulté ; au moins chez moi, elle en a triomphé sans peine. Le souci d’une composition méthodique, un peu raide, mais qui convient peut-être aux travaux d’érudition, en est un peu la cause. Quand on tient dans l’esprit son plan bien formé, arrêté jusque dans les détails, pour peu que la mémoire soit précise, on ne perd pas le fil du développement. Il est très rare qu’il me faille faire appel à des yeux