Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/452

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voilà quelques années. L’auteur, M. Camille de Sainte-Croix, y avait représenté les croisades comme elles le doivent être, c’est-à-dire comme la première grande manifestation de l’anticléricalisme. C’était déjà le procédé que reprend ici l’auteur de la Furie. Que les succès de M. de Sainte-Croix et de M. Jules Bois tournent la tête à quelques jeunes poètes ! Voilà un nouveau « poncif » en train de s’imposer.

Nous sommes dans Thèbes, où règne Héraklès, celui-là même qui pendant si longtemps s’était appelé Hercule. Le héros a commis l’imprudence d’abandonner sa bonne ville, afin de s’en aller faire en Égypte un voyage d’études. Il veut y chercher le secret que nous cachent les cieux. L’Égypte est, comme on sait, le berceau des religions antiques, la patrie des dieux de la Grèce. Héraklès ne serait pas fâché de savoir à quoi s’en tenir sur le compte de ces manieurs de foudres, porteurs de tridens et de caducées. Seulement, en son absence, il se passe à Thèbes d’étranges choses. Son rival Lycos assiège la ville et s’en empare, comme l’atteste cette exclamation dont il salue son propre triomphe :


Je suis vainqueur de Thèbe et ce palais est mien.


Ce Lycos peut être un excellent militaire ; mais, comme versificateur, il manque de panache.

Oh non ! celui-ci n’est pas un guerrier de la préhistoire. Il semblerait bien plutôt détaché d’un roman de Mlle de Scudéry. C’est quelque Artamène soupirant pour Mandane. S’il fait la guerre, c’est par amour. Il est épris de la femme d’Héraklès, Mégara, qu’il aimait bien avant le mariage de celle-ci : n’ont-ils pas été camarades d’enfance ? Lycos évoque leurs communs souvenirs, ce qui, dans le cadre d’une ville au pillage, ne laisse pas de surprendre. Et pour s’insinuer auprès de l’épouse convoitée, il use du stratagème classique : il débine le mari et fait le compte de ses infidélités. Il y a l’Amazone, il y a Omphale, Iole, et toutes les autres : il y en a mille et trois, comme sur la liste de Leporello. Mais Mégara est vertueuse. Et plutôt que de manquer à ses devoirs vis-à-vis d’un mari, même volage, elle laissera mettre à mort ses trois fils. Elle l’annonce à ces pauvres petits persuadés jusqu’alors que leur père était allé leur acheter des jouets et qu’il tardait seulement à rentrer.


Vous êtes menacés d’horribles funérailles
Et c’est moi qui vous pousse à ces calamités.