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surtout le parler, était à sa place autant que le chant, et dans les intervalles du chant. En de certains sujets moyens et familiers, on a le plus grand tort de le mépriser et de le proscrire. Il convient très bien, et peut-être convient-il seul, à l’action rapide et légère, à des passages, à des paroles qui non seulement ne comportent pas la musique, mais ont quelque peine à la supporter. Rien en particulier n’est aussi peu musical, ou musicable, que la formule d’un mariage, au moins d’un mariage civil : « Par-devant nous ont comparu… » (suit l’énoncé des noms et des qualités des parties contractantes). Un mandat d’amener (arrestation du marquis au troisième acte) offre pour la musique de non moindres difficultés. Que si l’on nous objecte la scène, judiciaire aussi, de la vente aux enchères dans la Dame Blanche, et le chef-d’œuvre dont elle fut le sujet ou l’occasion, nous répondrons qu’elle est traitée avec un soupçon d’ironie ou de parodie, cum grano salis, et d’une main légère. Et puis, s’il y a trop de voix ou de chant dans Solange, l’excès de l’orchestre y est plus sensible encore. Sans compter que l’orchestration pourrait bien y encourir le reproche tantôt de la lourdeur et de la surcharge, tantôt de la recherche et de la bizarrerie. Le glockenspiel en particulier y prodigue, à tout propos et hors de propos, ses tintemens inopinés, pour ne pas dire un peu saugrenus.

Mais cela dit, autre chose est à dire. Il faut louer, en maint passage du dialogue musical, un sentiment délicat, une expression fine. Toute la première partie du second acte forme un épisode, bien plus, une série et comme une souple chaîne d’épisodes charmans : chœur des modistes, leçon de français aux jeunes garçons, leçon de danse aux jeunes filles. Et quand, par une aimable réciprocité, les écolières allemandes se font maîtresses à leur tour, quand, à leurs gauches essais de menuet ou de pavane, succède l’exemple, donné par elles en perfection, de la valse de leur pays, alors on sent vraiment s’établir entre deux formes d’art, et d’âme, entre deux génies et deux races, un courant de sympathie, avec je ne sais quelle fraternelle émulation de beauté. Et puis, dans le magasin, voici que les Françaises restent seules. Au milieu des fleurs, des chiffons échappés de leurs mains, elles songent et tout bas elles chantent, les petites ouvrières qui sont de grandes dames. Le refrain d’un poète, exilé comme elles, monte de leur cœur à leurs lèvres :

Combien j’ai douce souvenance !…

La réminiscence est heureuse, et elle attendrit. Il est dommage seulement qu’une vaine et fâcheuse recherche d’orchestre, je ne sais