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original, reliure comprise. Le second renferme les cent motets, transcrits en notation moderne et mis en partition par le savant archiviste, musicien autant que paléographe, qu’est M. Pierre Aubry. Le dernier enfin, ou plutôt le premier, contient les études ou commentaires, et ce n’est pas le moins remarquable.

Le mérite et, si je puis dire, l’austère agrément de l’ouvrage, ne consiste pas seulement en ce qu’il épuise un sujet particulier, mais encore et bien plutôt en ce qu’il l’élargit et l’élève. Comme a dit le maître par excellence de la philosophie antique, « il n’y a de science que du général. » Cela est vrai même de la science, ou de la connaissance, de l’art, et quand nos modernes musicographes, — ils sont trop pour les nommer et les remercier tous — au lieu d’isoler la musique et de l’abstraire, s’efforcent de la rapporter à tous les modes de la pensée, à toutes les périodes de l’histoire, c’est pour lui donner ou lui rendre sa place, c’est afin qu’on reconnaisse et qu’on proclame, après un injuste et long oubli, son « éminente dignité. »

A propos de cent motets du XIIIe siècle, M. Pierre Aubry fait d’abord, en raccourci, l’histoire du motet à cette époque. Il enferme l’étude d’un genre déterminé dans un temps défini. Ce genre, vous n’êtes peut-être pas sans l’ignorer, n’a pas eu pour créateurs les Roland de Lassus ou les Palestrina. L’origine en est de quelque deux cent cinquante ans antérieure, et le manuscrit de Bamberg nous offre les exemplaires les plus caractéristiques d’une forme dont le règne de saint Louis vit déjà la perfection. Elle dérive directement d’un type primitif, l’organum, admis dès la fin du XIIe siècle dans les offices de la liturgie parisienne. L’organum était une pièce « mélodique sans paroles, et peut-être instrumentale, à deux, à trois ou à quatre parties, dont les parties supérieures se déroulent au-dessus d’un chant donné appelé ténor, lequel est toujours emprunté au répertoire liturgique. » Or il arriva ceci : vraisemblablement au début du XIIIe siècle, et dans le diocèse de Paris, on eut l’idée d’ajouter aux mélodies sans paroles un texte poétique. Et comme, dans l’ancienne langue et par opposition au « son, » lequel était la musique, la poésie s’appelait le « mot, » on désigna tout naturellement cette nouvelle et brève composition par le nom de « motet, » ou petit « mot. »

Nous trouvons même là, soit dit en passant, un des cas, moins rares qu’on ne le croit communément, où le chant aurait créé la parole, où l’on aurait, au rebours de l’ordre habituel, mis de la musique en poésie. Il peut en être ainsi même ailleurs, et par exemple dans la genèse de la chanson populaire. « La chanson populaire, au dire de