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partent. Les sympathies que continuent à leur témoigner, d’un bout à l’autre du vaste Empire, les familles de toutes religions et de toutes nationalités suffiraient à montrer l’inanité des rares accusations portées contre elles.

Ces écoles religieuses françaises auxquelles tant de milliers d’Orientaux de toute race doivent leur connaissance du français, le péril pour elles, aujourd’hui, vient moins de la Turquie, ou de nos concurrens étrangers, que de la France elle-même. Durant tout le XIXe siècle, elles n’ont cessé de grandir, au profit commun de l’Orient et de la France ; et voici qu’à l’heure où elles étaient le plus prospères, plane sur elles, comme une menace de mort, une loi française, la loi sur les congrégations. Jusqu’ici, il est vrai, elles ne paraissent pas encore en avoir beaucoup souffert ; quelques-unes même, imprévu paradoxe, en ont semblé tirer profit, comme si l’Orient s’était enrichi des dépouilles de l’Occident. Parmi les religieux et les religieuses de France contraints de chercher un refuge à l’étranger, parmi les frères et les sœurs dont, chaque année, un arrêté ministériel ferme brutalement les écoles, quelques-uns, comme autrefois nos chevaliers, passent la mer ; ils vont, aux pays des croisades, renforcer les généreuses phalanges qui, à l’ombre protectrice du Croissant, soutiennent le bon renom de l’Evangile et de la France. Mais ces précieuses recrues de volontaires combattans feront bientôt défaut à ces humbles écoles, dont la religion et le patriotisme semblaient d’accord pour assurer l’existence. Comme des garnisons abandonnées au loin sans renforts, l’effectif de ces pacifiques troupes françaises d’Orient va bientôt commencer à baisser, sans que les nouveaux venus, envoyés par la mère patrie, suffisent à combler dans leurs rangs les vides creusés par la maladie, la vieillesse ou la mort. Anciens ou récens, comment tous ces établissemens français qui se dressent sur les plages du Levant pourraient-ils vivre, quand seront taries les ressources des congrégations qui les avaient fondés, quand seront partout fermés en France les couvens et les noviciats où se recrutaient leurs maîtres et leurs maîtresses ?

On répète souvent en France le mot de Gambetta, mot d’un politique, trop réaliste pour être sectaire : « L’anticléricalisme n’est pas un article d’exportation. » Mais, outre qu’à beaucoup de nos maîtres de l’heure présente, cette formule semble d’un opportunisme suranné, elle est, en réalité, d’une courte sagesse. Un pays