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nature que tous les soins de nos mères, dit-elle, n’avaient encore pu entièrement mortifier, » mais où, jusqu’au bout, la mère Angélique reste à la hauteur de son rôle, les arrangemens furent terminés à la commune satisfaction. Pascal « protestait souvent qu’il était bien fâché de n’être pas en état de faire plus ; » la mère Angélique affirmait de son côté « qu’il donnait largement à proportion de son bien, surtout si on le comparait presque à tous les autres ; » et sœur de Sainte-Euphémie, enfin rassérénée, après avoir failli mourir de la déception morale que lui avait infligée son frère, put faire profession, le 5 juin 1653, dans les sentimens « de joie, de repos d’esprit et de tranquillité » qu’elle jugeait indispensables au don qu’elle allait consommer d’elle-même.

Peu de semaines après, Mme Perier étant très gravement malade, et sur le point, croyait-on, de mourir en couches, Jacqueline écrivit à son beau-frère une lettre qui nous peint au vif l’état d’esprit et dame qui va être le sien désormais. Lettre un peu dure pour notre goût moderne, et où perce un peu trop l’orgueil monacal de sa chasteté, touchante pourtant par la naïveté, par l’humaine tendresse qui, malgré tout, s’y mêle, et atténue l’âpre intransigeance de ce jansénisme. Car est-il bien chrétien de dire que « tous nos efforts et tous nos souhaits seront inutiles contre le décret de Dieu ? » Et un saint François de Sales eût-il signé cette phrase : « Etouffons donc autant qu’il nous sera possible tous les sentimens de la nature ? » Et ceci encore :


Car, encore que votre union soit toute légitime et toute sainte, néanmoins il y a quelque chose de plus parfait ; et possible Dieu, connaissant par sa sagesse divine que vous n’eussiez pas été disposé à écouter l’inspiration qu’il vous aurait pu donner d’aspirer à un état si pur et de vous résoudre à prévenir par un divorce saint et tout volontaire cette dure séparation qui est inévitable tôt ou tard, il veut vous témoigner que tous les prétendus obstacles que l’amour-propre suggère en ces occasions sont levés en un moment quand il lui plaît, et que, lorsqu’il le veut, il fait faire par nécessité ce qu’on n’a pu faire volontairement. C’est une pensée que m’a donnée le bonheur de ma condition, qui me semblera imparfaite tant que ceux que j’aime comme mon frère[1] et vous deux ne le connaîtront pas assez et n’y participeront point…


Et cependant, elle dit très vrai, quand elle ajoute : « Dieu sait que j’aime plus ma sœur, sans comparaison, que je ne faisais

  1. Son frère, d’abord.