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qu’ils espéraient bien que le Sénat corrigerait l’œuvre informe qu’ils lui renvoyaient. Il ne faut pas laisser perdre de pareilles paroles.

Tout le monde convient qu’il y a lieu de réformer nos contributions directes. Ce serait miracle si notre système fiscal, qui date de plus d’un siècle, n’avait pas besoin, ici ou là, de quelques retouches, étant donné que la richesse nationale s’est beaucoup accrue, et qu’elle ne l’a pas fait également dans toutes ses parties. Au surplus, l’œuvre initiale n’était pas parfaite : aucune œuvre humaine ne l’est. Il faut en défendre les principes qui sont excellens, mais apporter quelques correctifs à leur application. C’est ce que M. Raymond Poincaré a dit dans son bureau. Il est partisan d’une réforme ; il l’avait même mise à l’étude pendant qu’il était ministre des Finances ; mais est-ce bien une réforme qu’a faite M. Caillaux ? N’est-ce pas plutôt une révolution, et la plus imprudente, la plus redoutable de toutes ? Nous avons quatre contributions directes, qui rapportent 600 millions. Qu’on en prenne une pour commencer et qu’on s’efforce d’en améliorer le système ; qu’on attende ensuite pour juger de l’effet produit, et qu’on ne passe à une nouvelle réforme qu’après s’être assuré que la première aura réussi, c’est la marche que le bon sens recommande et c’est aussi celle que conseillent les vrais réformateurs. Mais ce n’est pas ce qu’a fait M. Caillaux. Il a commencé par jeter par terre tout l’édifice ; après quoi, il s’est proposé d’en reconstruire un autre. Ce que sera cet autre, personne ne le sait. On tremble à la pensée que M. Caillaux pourrait s’être trompé, comme cela lui est arrivé autrefois lorsqu’il a réformé le régime fiscal des boissons. Sans doute les choses se sont arrangées et tassées au bout d’un certain temps, mais on a commencé par des déconvenues sérieuses. Heureusement, il ne s’agissait alors que d’un impôt ; il s’agit aujourd’hui de toute une série en même temps. C’est pourquoi nous protestons avec M. Poincaré. Quelque admiration qu’on ait pour le système fiscal de telle ou telle nation étrangère, le nôtre n’est pas indigne d’estime. Il faut donc n’y toucher qu’avec beaucoup de prudence. Que la Commission du Sénat le pense, le choix qu’elle a fait de M. Rouvier pour la présider en est la preuve. M. Rouvier, en posant sa candidature dans son bureau, n’avait rien à dire pour l’appuyer : son passé est connu. Il s’est contenté de rappeler que nos contributions avaient suffi, depuis un siècle, à faire face aux besoins du pays à travers des difficultés qui quelquefois ont été tragiques : cette constatation est toute une opinion.

Une autre partie du projet de loi a été l’objet de critiques qui n’ont été ni moins vives, ni moins fondées : nous voulons parler de l’impôt